Rock & Folk

BARRIE MASTERS

L’exemplaire chanteur d’Eddie And The Hot Rods est mort le 2 octobre à 63 ans. La cause du décès se trouvait dans le nom du groupe : une voiture l’a renversé tandis qu’il roulait à vélo.

- Olivier Cachin

ON A DECOUVERT LA FOUGUE PUB ROCK d’Eddie And The

Hot Rods dès 1976 avec un premier album tonitruant, “Teenage Depression”. Les compositio­ns du guitariste Dave Higgs y étaient sublimées par un chanteur d’à peine 20 ans, Barrie Masters.

Né le 4 mai 1956 dans l’Essex, un comté au nord-est de Londres, Barrie a été depuis son arrivée au sein des Hot Rods le pivot de ce combo à géométrie variable dont il fut l’unique constante durant 43 ans au service du rock le plus basique et le plus solaire. Barrie n’a pas eu que la musique dans sa vie : à l’âge de 14 ans, il se lance dans la boxe, et gagnera 56 de ses 58 combats.

La bière, la moto et chanter

Mais c’est, bien sûr, sa carrière de chanteur qui lui garantira une réputation sans faille. C’est en première partie des Hot Rods, au Marquee, que les Sex Pistols assurent leur premier concert londonien... et démolissen­t les amplis des Rods, ce qui donna l’occasion à Barrie de faire la leçon à un Johnny Rotten penaud : “On ne fait pas ça avec le matos d’un autre groupe”. Après le premier album où la reprise du “Kids Are Alright” des Who montre une admiration pour les riffs mastocs, c’est l’apex commercial du groupe avec le très brillant “Do Anything You Wanna Do”, single à succès du deuxième album “Life On The Line”, véritable hymne rock, parfaiteme­nt en phase avec la philosophi­e libertaire de l’époque. Eddie And The Hot Rods, entraînés dans la vague punk qui submerge l’Angleterre, sont notamment à l’affiche du second festival punk de Mont-de-Marsan en août 1977 aux côtés des Damned, Jam et Clash. Leur troisième album s’intitule “Thriller”, trois ans avant celui de Michael Jackson. Les Rods se séparent une première fois en 1981, le guitariste Graeme Douglas et le bassiste Paul Gray partant rejoindre les Damned tandis que Barrie intègre les Inmates. Ed Hollis, manager et producteur des deux premiers albums, part bosser avec Elvis Costello, Stiff Little Fingers et d’autres artistes révélés par l’explosion punk. En 1984, Barrie relance la machine avec un nouveau personnel. Quatre albums suivront, éparpillés sur trois décennies : “Gasoline Days” en 1995, “Better Late Than Never” en 2004, “Been There, Done That...” en 2006 et “35 Years Of Teenage Depression” en 2011, mais c’est sur scène que Barrie et ses acolytes donnaient le meilleur, dans une version pub-punk du never

ending tour de Dylan. Barrie était un proche de Lee Brilleaux : en 1993, ce dernier, gravement malade et interdit de chant par son médecin, lui avait demandé d’être là pour le remplacer au cas où il ne pourrait pas finir le concert qu’il donnait à Canvey Island. Malgré l’apparente invincibil­ité que lui donnait sa musique, Barrie avait une santé fragile, et il payait le lourd tribut d’une hygiène de vie rock’n’roll. “Chaque concert

me tue un peu plus”, reconnaiss­ait-il. Interdit de tout excès, il avait souvent une flasque de whisky près des enceintes, discrèteme­nt planquée par son ami français Didier Pasquier, tourneur, promoteur et finalement musicien des Hot Rods pour une trentaine de concerts, au Japon et en Angleterre. “Sept ans que je

suis malade des poumons, racontait Barrie. Comme Keith Richards, ça fait deux ou trois fois que les médecins me disent que je vais crever. Le dernier c’était il y a trois ans, je lui ai répondu : ‘J’aime trop la vie pour mourir’.”

Le 13 avril à Londres, Barrie chante pour la dernière fois à l’O2 Academy d’Islington, accompagné d’anciens membres des Rods, en plus du line-up habituel, pour un show intitulé de façon prémonitoi­re : Done Everything We Wanna Do. Il jette sa veste indienne dans le public, signe que, cette fois-ci, c’est vraiment la der. “Gloria” des Them en rappel et Barrie Masters, trois semaines avant son soixantetr­oisième anniversai­re, quitte la scène pour de bon. “La bière, la moto et chanter sur scène, voilà ce qui me plaît. Je n’ai jamais fait de mal aux gens de toute ma vie, j’ai juste essayé de les rendre heureux avec mes chansons”, aimait dire Barrie, qui devait passer par Paris ces jours-ci.

Trop fier pour se plaindre

Le 2 octobre, il se fait renverser par une voiture alors qu’il roule sur sa bicyclette. Immédiatem­ent amené à l’hôpital mais trop fier pour se plaindre, il affirme au docteur que tout va bien, signe une décharge et meurt en chemin vers chez lui, près de Southend-on-Sea. Le 6 juillet 2018, au 100 Club, lors d’un superbe concert de leur longue tournée d’adieu, Barrie et les Rods chantaient “Why Should I Care?”, dont les paroles pourraient être l’épitaphe de cet artiste si touchant : “Last night I dreamt I died, passed on to the other side/ No stairway to heaven, no peace for the wicked”.

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