Rock & Folk

THEO LAWRENCE

Excellent dans le rôle du cowboy au coeur brisé, le musicien franco-canadien évolue vers la sophistica­tion sur un deuxième album remarquabl­e.

- Jérôme Reijasse

Après un premier album valable, sorti sans grande exposition médiatique en 2018, “Homemade Lemonade”, Theo Lawrence récidive avec “Sauce Piquante”, disque enregistré entre Etats-Unis (en Géorgie, avec Mark Neill aux manettes) et France.

Il est très difficile d’évoquer ce très jeune songwriter franco-canadien, aujourd’hui installé à Bordeaux, sans multiplier les superlatif­s. Theo Lawrence chante, joue, compose et vibre comme un Américain.

Et c’est d’abord assez déstabilis­ant. Autant de talent pourrait, chez les plus suspicieux, déclencher des crises de cynisme. On leur conseiller­a d’écouter “Evangeline”, “Adelita”, “The Worst In Me” ou encore “Prairie Fire”. Il y a un avant et un après. Oui. On n’écrit pas de telles chansons quand on n’a pas été touché par une forme de grâce, impossible.

Générosité et abnégation

Theo Lawrence a très vite su dépasser ses complexes, ses hommages, ses totems. Quand il chante, on l’écoute puis on bascule. “Chaque fois que je prends ma guitare, que je tente d’écrire un morceau, c’est une tentative de me mesurer à ceux qui ont écrit des choses qui tiennent la distance, qui traversent le temps sans s’affaiblir, avec pourtant très peu de choses. Une voix, une guitare, une couleur...” Il n’a pas le droit de galvauder la musique, il le sait, il l’a deviné déjà à l’heure où ses camarades d’étude branchaien­t fébrilemen­t leur console de jeu. Alors, la musique, il l’enlace, l’aime avec toute la générosité et l’abnégation de sa jeunesse. “J’ai eu le choix entre toutes les musiques du monde. C’est la chance de ma génération. En deux clics, toute l’histoire de la musique s’offre à ceux qui sont prêts à s’ouvrir, à oublier les chapelles...” raconte-t-il, lucide. Encore faut-il être capable de faire le tri et de ne pas s’oublier. Ce disque hybride mais toujours cohérent en est la preuve tangible. “Si je rentre dans un bar, quelle musique je rêve d’entendre ? Je crois que, sur ce disque, il y a quelques chansons qui s’approchent de cet état d’espritlà... Ecrire des chansons qui sont vivantes, qui donnent envie de danser, de s’oublier, d’y croire encore.” Voilà. Ça a l’air facile comme ça... Theo parle de rock’n’roll, de musique cajun, de swamp pop, de tex-mex, de country, de soul, il déborde de références, les cultes et incontourn­ables comme celles plus obscures, réservées à ceux que la passion brûle. Il est intarissab­le. Et pas égoïste. Il est prêt à partager, à indiquer les chemins de traverse. Il s’était juré de ne jamais chanter en français. Sa ritournell­e “Petit Coeur” dévoile qu’il s’était menti à lui-même. Comme il a eu raison de se renier ! Quand il n’écrit pas, Theo voyage pour jouer. Ici et là-bas, jusqu’en Corée du Sud. Il rêve d’écrire un jour la chanson parfaite.

Il n’a peur de rien. Il sait qu’il a ce qu’il faut. Et s’il a changé de compagnons de jeu en cours de route — il se présentait, au début, avec le groupe The Hearts — ce n’est pas simplement pour briller en solo : “Je ne voulais plus faire aucun compromis sur mes goûts, sur la musique que j’avais envie de faire. Avant, avec le groupe, c’était une démocratie qui m’empêchait d’aller à fond dans ce que je voulais faire. Je n’ai chassé personne. La vie a fait que nous avons chacun choisi un chemin différent, c’est tout. Ça s’est fait naturellem­ent. L’heure était venue de passer à une nouvelle étape.” Ce n’est pas de la froideur mais bel et bien de la clairvoyan­ce. Theo Lawrence est désormais entouré des musiciens bordelais du groupe The Possums et d’Olivier, fidèle depuis toujours. C’est une belle aventure qui ne fait que commencer.

RECUEILLI PAR JEROME REIJASSE Album “Sauce Piquante” (BMG)

“Danser, oublier, y croire encore”

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