Rock & Folk

JEAN FELZINE

Sans Mustang ni Jo Wedin, le chanteur-guitariste tente quelques chansons d’amour en solitaire. Rencontre avec un élément singulier.

- Thomas E. Florin

“Roy Orbison avec des machines”

QUELS ALBUMS LAISSERA LA GENERATION qui avait 15 ans pour le retour du rock des années 2000 ? En France, on pourra compter sur ceux de Jean Felzine. Que ce soit en trio avec Mustang, en duo avec Jo Wedin, ou désormais en solo avec cet EP, “Hors L’Amour” (et sa très belle pochette signée David Simonetta), Felzine tient bon, grâce à la beauté de sa voix, le clinquant de son écriture, et l’art de sa compositio­n. Conversati­on avec un futur chanteur culte.

Que des ballades

ROCK&FOLK : Dans “Mes Amis Dans Le Rock”, vous chantez : “Ils ne dansent pas vraiment passé la trentaine”. Y a-t-il un âge où il faut arrêter de jouer du rock ? Jean Felzine : Je ne sais pas... Je n’ai jamais raisonné en ces termes de là c’est du rock. Pour moi, ce n’est pas une musique plus spéciale qu’une autre. Sa mythologie (il prend l’air déçu et embarrassé)... Bien sûr, ma chanson joue sur ces clichés rock, mais je voulais surtout parler de ces types en province qui organisent des concerts, ceux qui ont fait jouer Mustang des centaines de fois et à qui je voulais dire merci. C’est vraiment une chanson d’amitié. Même s’il est vrai qu’elle décrit une musique en fin de vie.

R&F : Vous avez débuté en trio (Mustang), puis êtes passé en duo (Jo Wedin & Jean Felzine) et maintenant, vous êtes en solo. Pourquoi ?

Jean Felzine : Déjà, c’est parce que j’avais envie de m’enregistre­r seul. J’ai appris, donc j’ai fait cet EP chez moi, ce qui explique qu’il y ait autant de machines : je ne peux pas vraiment jouer de la guitare électrique avec mes voisins. Et comme j’avais depuis longtemps le fantasme de faire une sorte de Roy Orbison avec des machines, cela tombait bien. L’autre raison, c’est que sur les disques de Mustang, il y avait beaucoup de choses différente­s et je vois bien que ce n’était pas très clair pour les gens. Est-ce qu’on était un groupe de chanson française, de rock, de musique électroniq­ue ? J’ai donc séparé les choses et là, ce ne sont que des ballades.

R&F : Vos chansons sont toujours remarquabl­ement écrites. Comment avez-vous appris à composer ?

Jean Felzine : J’ai commencé par déchiffrer avec un bouquin d’accords des Beatles. Leurs chansons font partie des premières que j’ai appris à jouer et je devais transposer les accords, car ces chansons, surtout celle de McCartney, étaient trop hautes pour ma voix. Quand je vois ces suites d’accords aujourd’hui, je me dis que j’étais vraiment bien tombé. Puis j’avais pris quelques leçons de piano. C’est un aspect très français dans ce qu’on fait avec Mustang, le fétichisme des suites d’accords. J’ai l’impression qu’il n’y a qu’en France qu’on parle de ça. En Angleterre, ils le font spontanéme­nt, alors qu’ici, même si tu écoutes certaines suites de la french touch, tu entends que c’est hyper réfléchi. Il y a toujours des enrichisse­ments. Moi j’appelle cela les accords à la française. Tu sais, ceux où il y a trop de doigts.

Antidote à la platitude

R&F : Dès “Tabou”, le deuxième album, les textes sont très construits.

Jean Felzine : Oui. Moi je les trouve surécrits. C’est peut-être le moment où, justement, c’est trop technique. En plus, c’est une période où j’écoutais beaucoup de rap français, alors je me prenais la tête avec les assonances, les allitérati­ons. Maintenant, il y a plus de naturel. Pour ce disque, je ne voulais aucun humour, ce ne sont que des chansons d’amour. Je cherchais quelque chose de plus atmosphéri­que, et d’assez lyrique. Quand je dis lyrique, c’est parce que lorsque j’ai fait le tour des maisons de disques, certaines personnes ont été gênées par cet aspect de mon chant et mes paroles.

R&F : Etrange. Ferait-on ce procès à une chanteuse ?

Jean Felzine : Je ne crois pas. Déjà, les filles chantent mieux que les mecs en France. En France, les mecs ne veulent pas chanter, chanter vraiment. Il faut être dans le détachemen­t. Pour Johanna (Wedin) par exemple, qui est suédoise, le talk-over en français, ce n’est même pas de la musique. Moi je n’ai pas envie de parler, j’ai envie de chanter des mélodies. Et plus ça va, plus j’apprécie les chanteurs qui surchanten­t. Le côté expression­niste vocal, c’est un bon antidote à la platitude.

RECUEILLI PAR THOMAS E. FLORIN EP “Hors L’Amour” (Close Harmonie)

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