Kim Gordon
“No Home Record”
MATADOR/ BEGGARS
On se doutait que ça allait être difficile. Mais on ne pensait pas que ça serait si douloureux. Kim Gordon, depuis la séparation de Sonic Youth, se la joue artiste. Elle va d’expositions en performances... Et a aussi écrit un livre qui, paraît-il, est plutôt bon. Au fond, rien de bien nouveau, puisque son ex-groupe a toujours soigneusement cultivé un côté arty new-yorkais. Alors, on se doutait bien que le premier album solo de la dame n’allait pas exactement être du Billy Joel — ce qui aurait été réellement punk pour le coup, mais n’est pas l’option qu’elle a choisie. Là, comme disent les agents immobiliers, on est sur du neuf. Mais aussi du brutal. Et comme le disait l’autre jour un éminent spécialiste de ces musiques tordues : “En gros, c’est comme avant, elle pose sa voix sur un boucan cacophonique.” Certes. Alors disons que la nature du boucan a changé. Avant, il était question de guitares grinçantes et dissonantes avec, quand même, un semblant d’harmonie. Et même, parfois, un chant presque mélodique. Des titres radiophoniques ! “Sugar Kane” et compagnie. Les nostalgiques de ça peuvent aller voir ailleurs. Hormis sur quelques morceaux, “Air BnB” par exemple, qui évoquent vaguement ce passé glorieux, Kim parle, déclamant une espèce de poésie post-beat sur un fond bruitiste assez flippant. Il y a des rythmiques, mais concassées. Des synthés angoissants, des sons bizarres. A côté, la no wave, c’est de la pop. Cet album met mal à l’aise. C’est de la feelbad music. C’était peut-être le but. Ceux qui l’apprécieront le plus seront probablement ceux qui ne l’auront pas écouté. Un super concept, finalement. ✪✪
STAN CUESTA