Neil Young & Crazy Horse
“Colorado”
REPRISE/ WARNER
Elle a certes compté son lot de disques médiocres ou de pétards mouillés, mais la collaboration entre Neil Young et Crazy Horse a marqué beaucoup des plus belles pages de la carrière du Canadien, et transformé un simple groupe de bar californien en une section rythmique qui a influencé le psychédélisme, le punk et le grunge. Aujourd’hui, Neil Young s’appuie plutôt sur les jeunots de Promise Of The Real, dont l’un des atouts est de savoir reproduire en concert les transes hypnotiques créées avec Crazy Horse. Pourtant, Young revient, sept ans après “Psychedelic Pill”, et surtout 50 ans après “Everybody Knows This Is Nowhere”, à l’original, ou plutôt au quasi-original : Frank Sampedro, guitariste depuis 1975 n’est plus là, remplacé par Nils Lofgren, déjà collaborateur occasionnel du Horse au début des années 70. Lofgren est évidemment un musicien plus accompli que Sampedro, mais il n’est ici qu’une doublure de luxe. Pas de retour donc aux explorations à deux guitares de l’époque Danny Whitten. Le seul morceau à rallonge du disque, une énième tirade écolo, ne ferraille d’ailleurs pas vraiment dur. Plutôt que d’aligner les larsens, “Colorado” explore en fait un répertoire très varié, souvent en demi-teintes façon “Sleep With Angels” voire (des titres au piano comme “Green Is Blue” ou “Eternity” y invitent) dans la lignée mélodique de “After The Gold Rush”. Et c’est là que Crazy Horse tire Neil Young vers le haut : les limites et les imperfections du groupe, à la fois bancal et équilibriste, le forcent à exprimer sur une ballade qui aurait pu être mièvre et quelconque comme “I Do” une vulnérabilité et une ferveur qui manquent à beaucoup de ses albums récents. ✪✪✪ 1/2 FRANCOIS KAHN