Rock & Folk

Frustratio­n

“So Cold Streams”

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BORN BAD

Frustratio­n est un cas à part. Au départ, réunion amicale désireuse d’honorer le bruit noir sans se soucier des obligation­s de rendement, le groupe a traversé le temps, multiplié les concerts et les disques et se retrouve aujourd’hui devant ce qu’il est permis d’appeler une belle carrière. Et “So Cold Streams”, ne lui en déplaise, est probableme­nt son disque le plus abouti — la production est massive —, peutêtre également son plus sombre. Quand démarre “Insane”, premier titre, on hésite entre un coeur-machine ou un monde qui crève. C’est un replicant qui a décidé de ne plus se laisser faire. La froideur martiale de cette chanson a quelque chose d’envoûtant. Voyage sans retour vertigineu­x. “Pulse” et “When Does A Banknote Start To Burn?”, eux, accélèrent le rythme, hymnes typiques chez Frustratio­n, composé pour que les corps se libèrent du fardeau de l’existence. Si “Slave Markets” regarde l’époque lugubre droit dans les tripes, c’est d’abord une très jolie chanson, avec Jason Williamson, de Sleaford Mods, comme compagnon irréductib­le. Et puis arrive “Brume”, et ses trois voix qui se chevauchen­t, se déchirent, en français. C’est remarquabl­e, ça plonge au coeur de ce qui fait l’homme. Frustratio­n descend, loin, très loin, là où les petits arrangemen­ts implosent. “Some Friends” est un tube cold wave non répertorié. “Lil’ White Sister” est encore une pépite arrachée aux entrailles du doute et de la peur. Ballade lunaire, où le groupe se met à nu, sans effet ni gimmick. C’est beau, beau comme un souvenir précieux qui se réactive sans prévenir. “Pepper Spray” a la rage vivace, le poing prêt à partir, charge sans héros ni vainqueur. Enfin, “Le Grand Soir”, conclusion grandiose et tourbillon­nante, en français elle aussi, qui chante l’espoir impossible. Y croire encore alors que tout semble mort. Souffle coupé. ✪✪✪✪

JEROME REIJASSE

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