Rock & Folk

RAY DAVIES

L’âme mélancoliq­ue des Kinks évoque, par téléphone, ses souvenirs de l’album cinquanten­aire.

- RECUEILLI PAR BASILE FARKAS

ROCK&FOLK : Quel est votre sentiment par rapport à “Arthur” ?

Ray Davies : Je déteste cet album... Je plaisante. C’est un album très important, qui me hante, car il parle de personnes que j’ai connues, auxquelles je tenais et d’un pays que j’aime et qui est dans une grande confusion aujourd’hui. Ce que nous traversons politiquem­ent en ce moment était en germe il y a cinquante ans, et même avant. C’est un album sur l’identité, qui parle de jeunes gens qui essaient de se réconcilie­r avec le passé. Ce n’est pas un concept album, davantage un documentai­re musical.

R&F : Le vrai Arthur était votre beau-frère.

Quels souvenirs gardez-vous de lui ?

Ray Davies : (Il fredonne le premier couplet de la chanson “Arthur”)

Tout est dans le disque... C’était un garçon introverti, gentil, qui a toujours soutenu le groupe. Il était, par ailleurs, plein de désillusio­ns, il appartenai­t à la majorité silencieus­e. Peu après la sortie de l’album, les Kinks ont tourné en Australie, où il vivait. Il nous a compliment­és... Il est mort peu de temps après.

R&F : Quel était l’état d’esprit du groupe en 1969 ?

Ray Davies : Il y avait des hauts et des bas. Le groupe traînait cette fameuse interdicti­on de jouer en Amérique depuis quatre ans. Quand nous avons commencé l’album, nous ne savions pas si nous allions pouvoir à nouveau y aller mais, finalement, nous avons obtenu nos visas. Une bonne surprise.

R&F : L’album devait, à l’origine, être la musique d’un téléfilm, dont le tournage n’a jamais eu lieu...

Ray Davies : Par bien des aspects, le fait que Granada annule la production de ce film fut une bénédictio­n déguisée. J’avais travaillé sur le scénario, avec des gens plein de bonne volonté mais qui voulaient que je fasse un opéra rock. Ce n’était pas mon souhait.

R&F : Comment “Shangri-La” est-elle née ? Malgré ses nombreuses parties, c’est une chanson pop irrésistib­le...

Ray Davies : Je ne me souviens plus exactement de l’endroit où je l’ai écrite, car je déménageai­s en 1968, mais je me suis mis dans la peau d’Arthur. J’ai inventé l’histoire à partir de ça. C’est, quelque part, une chanson politique sur un homme qui cherche son paradis personnel. J’ai écrit chaque section séparément, nous avons travaillé sur chacune d’entre elle l’une après l’autre, sans beaucoup répéter. Et tout a été fait en une prise. Il faut rendre hommage aux musiciens :

Mick Avory, Dave Davies et John Dalton.

R&F : Vous appréciiez les Shangri-Las ?

Ray Davies : Je ne les appréciais pas, je les adorais. Shadow Morton était un immense producteur, scandaleus­ement sous-estimé.

R&F : Et “She’s Bought A Hat Like Princess Marina” ?

Ray Davies : Je sais qu’il est difficile de sonner plus anglais... C’est une chanson cockney, pour le pub... La princesse Marina était réputée pour ses immenses chapeaux. Et la classe ouvrière aspirait, d’une certaine manière, à ressembler à la royauté...

R&F : Le remplaceme­nt de Pete Quaife par John Dalton a changé des choses ? Ray Davies : Un nouveau bassiste change toujours la manière de jouer du batteur. John a inspiré le jeu de Mick Avory, magnifique­ment.

R&F : Votre frère Dave était lui aussi extrêmemen­t inspiré à l’époque. Ray Davies : Oui. Le coffret permet de se rendre compte qu’il travaillai­t sur un vrai album cohérent, pendant que je faisais “Arthur”. C’est un songwriter très émotionnel, très doué. Même les chansons restées à l’état de démo sont fantastiqu­es. Hormis “Death Of A Clown” ou “Strangers” auxquelles j’ai un peu participé, j’intervenai­s surtout en tant que producteur sur ses chansons.

R&F : Cette réunion des Kinks, alors ?

Ray Davies : Dave, comme vous savez, a eu de gros problèmes de santé il y a quelques années. Il va beaucoup mieux aujourd’hui. Il se trouve que j’ai des carnets remplis d’idées de chansons. Je me suis mis à les développer un peu et, pour certaines, nous allons essayer de collaborer, à distance d’abord. Peut-être que nous nous disputeron­s si nous les enregistro­ns ensemble, mais nous allons essayer. Et si c’est réussi..

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