Rock & Folk

Years And Years

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Le souci, en ce moment, n’est pas d’arrêter une mauvaise série en plein milieu

de saison pour en regarder une bonne mais, plutôt, d’en suspendre une bonne au bout de deux épisodes pour en regarder une géniale. On ne sait plus où donner de la mirette. Ainsi, “Years And Years” pourrait entrer dans la légende des séries parfaites et addictives comme “Les Soprano”, “Breaking Bad”, “Ray Donovan” ou “Game Of Thrones”... Avec une qualité d’écriture et d’acting à des milliers d’années lumière de “Commissair­e Moulin” ou de “Julie Lescaut”. Jamais, d’ailleurs, une série n’avait été aussi proche de notre actualité délétère. Celle d’un quotidien plus dramatique et prophétiqu­e, tendance Nostradamu­s. Une épopée familiale à la dystopie légèrement déviante ou le futur abordé n’est pas celui de dans cent ou dix ans. Mais, bel et bien, le futur de demain matin. On suit, sur une quinzaine d’années, la vie des Lyons, famille de Manchester qui, chaque journée passant (en partant de 2019), voit son quotidien totalement bouleversé dans l’Angleterre post-Brexit. Et ce sur six petits épisodes dans lesquels tout ce qui enjolive ou panique la société est abordé avec un réalisme si anxiogène que l’on plonge en apnée dans cette vision apocalypti­que de lendemains troubles. Epoque où l’homosexual­ité est désormais acceptée par tous, où les voitures roulent à l’électricit­é, où les applicatio­ns des téléphones portables sont holographi­ques et où la voix robotique du logiciel Siri est devenu aussi addictive dans le quotidien que Netflix ou Facebook. Des avancées technologi­ques qui n’empêchent pas, bien sûr, le monde de s’effondrer. Les banques ferment en laissant leurs clients et leur argent sur le carreau tandis que les migrants, en plus d’être parqués dans des camps, sont promis à un avenir encore plus incertain. Un mélange de technicité et d’humanité bafouée qui, finalement, n’est pas si éloigné de “Black Mirror” (autre grande réussite), mais vu ici sous l’angle de l’amour à tout prix et de la famille. L’espoir — car espoir il y a — se jouant désormais dans l’entraide et la solidarité. Dépeint avec une finesse remarquabl­e, chaque membre de la famille Lyons (un gay qui tombe amoureux d’un migrant, une handicapée pleine de vie, une quadra noire, un financier, une antimilita­riste, une ado accro au transhuman­isme, une grand-mère lucide) semblent tous représente­r une partie de la société sans que jamais leurs comporteme­nts ou leurs réactions ne soit trop appuyés. Même dans leurs erreurs (de jugement ou de faits) leur humanité transparaî­t systématiq­uement, jusqu’à l’émotion suprême. Et ce, grâce à des acteurs totalement impliqués dans leurs personnage­s et dont la seule star est Emma Thompson dans le rôle d’une nouvelle figure de la droite populiste. C’est elle d’ailleurs qui, habilement et avec un cynisme détonnant, brise toutes les utopies d’un monde qui ne deviendra jamais meilleur. On rêve du coup d’une saison 2. Tout en espérant que le futur abordé dans

“Years And Years” ne devienne vite réalité. Oups... trop tard (en diffusion sur Canal+).

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