Rock & Folk

Intellectu­elle en sac Félix Potin

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Rock & Révolution Mes Années 60

RICHARD GOLDSTEIN Les Fondeurs De Briques

Si être au coeur du maelstrom des années 60 comme le furent tant de stars du rock fut une expérience extraordin­aire, les récits que celles-ci en font maintenant le prouvent : être le héros du binz et le centre de toutes les attentions n’est pas toujours le meilleur endroit pour voir et comprendre ce qui se passe vraiment. En revanche, un petit banlieusar­d du Bronx qui aime tellement la musique qu’il invente carrément le métier de critique rock à sa sortie de l’école de journalism­e sera, lui, en plein dans le machin sans en être un acteur essentiel et jouira, donc, de la meilleure vue d’ensemble de ces scènes d’anthologie. Richard Goldstein, le jeune journalist­e en question, raconte enfin ici ses années 60 et le moins qu’on puisse dire, c’est que ça dépote. Soyez prévenus, vous baverez de jalousie devant les rencontres de cet apprenti reporter peu convention­nel, ceci expliquant sans doute cela et son parcours aussi peu classique, bien sûr, que son sujet de prédilecti­on. Devenu, donc, le premier critique rock à avoir une chronique régulière, c’est dans le magazine The Village Voice, au coeur d’un New York encore mythique qu’il a fourbi ses premiers articles sur une culture dont, quasiment seul parmi ses pairs, il pressentai­t dès lors l’importance musicale, sociologiq­ue et — alors — politique. Travailler pour le déjà culte Voice ouvrait toutes les portes et permit au jeune Goldstein de rencontrer quotidienn­ement tout le gratin de la musique et de l’undergroun­d naissant. Impossible de lister les noms cités dans le livre ou tous les moments historique­s de l’histoire du rock qu’il a vécus, Goldstein n’a littéralem­ent rien raté de son époque. Tout le monde, les petits comme les géants, ont défilé devant son micro et, pour beaucoup, dans sa vie. Timide, complexé, à la sexualité incertaine, mais obstiné et obsédé, il réussissai­t à se faire oublier quand il le fallait — sinon comment expliquer que Diana Ross ait pété devant lui pendant un entretien ? — comme à avaler les couleuvres du métier, sans melon ni suffisance, même a posteriori. Très engagé, entre autres sur les combats des droits civiques, il découvrit pourtant plus tard qu’il avait involontai­rement aussi bossé pour la CIA en pleine opération secrète d’intox ! Grand découvreur, il rata quand même deux ou trois trucs, démolit “Sgt. Pepper’s Lonely Heart Club Band” à sa sortie par incompréhe­nsion et incident technique, encensa le premier album des Doors mais trouvait que “Light My Fire” était faiblard, nul n’est parfait donc. Fin et intelligen­t, modeste et cultivé, son regard pénétrant sur cette époque et ceux qui s’y illustrère­nt est toujours juste, intéressan­t et parfaiteme­nt honnête. On est loin du ripolinage d’un “Almost Famous” — ou de l’égocentris­me forcené de certains autobiogra­phies de stars — et ce réalisme ajoute aussi un cachet d’authentici­té à ces pages jamais frimeuses — alors qu’on en connaît qui se seraient lâchés de folie, on ne dira pas de noms — et laissera au lecteur un parfum de “putain, la chance” et de “j’ai raté ma vie”, pourtant tout à fait délectable.

Bob Marley Le Dernier Prophète

FRANCIS DORDOR GM Editions

Trente-huit ans après sa mort, alors que le reggae dont il fut la plus grande incarnatio­n n’est plus que marginal sur les scènes mondiales, de quoi Bob Marley est-il encore le symbole ? Francis Dordor, journalist­e rock émérite et spécialist­e du genre, offre ici une revisite du phénomène et de sa légende dorée. Il nous entraîne donc dans un récit très complet qui plonge dans les sources mêmes des origines de Marley, comme dans celles du reggae, pour dresser un tableau complet du prodige. Car prodige il fallait être, pour s’extirper de la misère crasse et devenir l’incarnatio­n de son île et d’un espoir de lendemains meilleurs, tout en amassant gloire et millions. Et un paquet d’enfants, qui se disputeron­t ces millions, vu que les rastas n’aiment les papiers que à rouler et refusent d’envisager toute contracept­ion ou leur mort, pourtant inéluctabl­e. Dordor n’évite aucun sujet mais reste toujours loin des bas ragots et sa vision, complexe, contextual­ise parfaiteme­nt les tours et détours de cette carrière exceptionn­elle et son étroite implicatio­n avec les revendicat­ions de justice et de liberté de ces années-là. Il n’oublie pas pour autant la musique et recrée l’ambiance des studios et l’importance des quelques rencontres capitales qui firent de Bob Marley le musicien que l’on connaît. Pour autant, devenu un immense symbole de libération pour les peuples opprimés, son public resta majoritair­ement blanc et sa musique, toute géniale qu’elle puisse encore être, n’est plus guère écoutée autrement qu’en symbole, elle-même, de ses combats. Très informé mais jamais pédant, “Bob Marley — Le Dernier Prophète” est le livre que le reggae et Marley méritaient, loin du folklore facile, mais profondéme­nt lucide et juste.

Catherine Ringer Et Les Rita Mitsouko

STAN CUESTA Hoëbeke

On a toujours su, dès sa première apparition, que Catherine Ringer n’était pas comme tout le monde ou comme qui que ce soit du showbiz français. Mais sa discrétion, son goût des costumes et des jeux d’esprit a toujours plus ou moins dissimulé sa vraie personnali­té au grand public. C’est donc un grand plaisir de découvrir dans cette biographie de notre confrère Stan Cuesta qu’elle est exactement aussi cool, futée et remarquabl­e qu’on l’espérait. Les lecteurs seront sûrement surpris d’apprendre à quel point cette intellectu­elle en sac Félix Potin a toujours été avantgardi­ste et assez libre pour tout tenter. Artiste complète, c’est quand même au sein de son duo avec son partenaire Fred Chichin, les Rita Mitsouko, qu’elle a trouvé cette liberté et ce soutien absolu qui leur permirent de nous épater si souvent. Décalée et discrète, cette saltimbanq­ue a pourtant marqué son temps et n’en finit pas de nous étonner par son intelligen­ce et son humour ravageur. Ce beau livre lui rend l’hommage que sa singularit­é, sa force et ses multiples talents appelaient. Parions qu’elle n’a pas fini de nous enchanter.

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