Rock & Folk

LES WAMPAS

Avec Lionel Limiñana, qui produit le nouvel album du groupe, Didier Wampas s’est découvert quelques atomes crochus : les Damned et Mike Brant, Vince Taylor et les Charlots... Rencontre sétoise.

- Stan Cuesta

LES WAMPAS EXISTENT DEPUIS 1983 mais viennent de sortir un nouvel album, “Sauvre Le Monde”, qui est probableme­nt leur meilleur à ce jour. Peut-être parce qu’il est produit par Lionel Limiñana, qui semble transforme­r tout ce qu’il touche en or. Peut-être parce que Didier Wampas est l’un des meilleurs auteurs de chansons du monde de France. Peut-être un peu des deux... Rencontre avec ces deux allumés, passionnés de musique, à Sète, chez Didier, où Lionel est venu participer à l’interview, en voisin (150 kilomètres depuis Perpignan, tout de même), pour le plaisir. Tout un état d’esprit.

Le rock’n’roll est vivant

ROCK&FOLK : Qui sont les Wampas aujourd’hui ? Didier Wampas : Niko, à la batterie, est là presque depuis le début. Jean-Mi, l’ancien bassiste des Satellites, depuis vingt ans. Tony (Truant), depuis quinze ans au moins. Et puis Effello, le nouveau guitariste, depuis trois-quatre ans, depuis que Philippe est parti avec Johnny... Tout le monde croit que c’est mon fils, mais ça n’est pas mon fils ! Comme mon fils joue dans Sugar & Tiger, et qu’Effello fait un groupe avec mon fils, les gens mélangent tout... Ce n’est pas mon fils et je ne veux pas l’adopter !

R&F : Lionel, vous connaissie­z les Wampas depuis longtemps ? Lionel Limiñana : Oui, ce que j’aimais chez eux, c’est que je retrouvais des trucs des Damned, qui est un de mes groupes punk préférés, mais aussi de Mike Brant. Ce qui est vachement rare ! Je les avais vus dans les années 1990, on était à fond dans le garage punk américain, on suivait tout ce qui sortait chez Crypt, ces trucs-là. On était un peu enfermés là-dedans... Didier Wampas : Moi, je n’ai jamais aimé le garage ! Quand les “Peebles” sont arrivés, mes potes ont commencé à écouter, ça me faisait chier... à part deux ou trois chansons des Seeds, “Can’t Seem To Make You Mine”, évidemment, mais sinon... Moi j’aime les chansons, les mélodies, les choeurs, etc. Le garage, il n’y a pas de chansons !

R&F : Qu’est-ce qui vous a donné envie de faire de la musique ? Didier Wampas : Le punk. J’avais quinze ans en 1977, un jour j’ai vu Clash à la télé, à Aujourd’hui Madame ou je ne sais quoi... Avant, c’était Yéyé Story sur Europe 1, en 1975-76, que j’écoutais tous les soirs... Je me disais : “J’aurais aimé vivre à cette époque, j’adore ça, j’adore cette musique, ça devait être génial”. Puis le punk est arrivé et je me suis dit : “Ça y est ! Le rock’n’roll est vivant.”

R&F : En fait, vous avez mélangé le punk et le yéyé... Didier Wampas : Ouais, au début c’est vraiment ce qu’on voulait faire. Entre Chaussette­s Noires et psychobill­y...

“Je n’ai jamais aimé le garage”

R&F : Vous êtes nostalgiqu­e de cette époque ?

Didier Wampas : Pas du tout. Là, on parle d’un groupe, je prends mon iPhone et je l’écoute, je suis content de pouvoir faire ça. Bien sûr, c’était rigolo d’aller à Paris acheter des 45 tours, de prendre le train, le métro, de revenir l’écouter, c’était fort, mais je ne regrette pas, c’était autre chose.

R&F : Vous connaissie­z les Limiñanas ?

Didier Wampas : Oui, mais au départ quand on me l’a proposé, je me suis dit : “Bon, ils font du garage comme nous, je ne vois pas ce qu’ils vont nous apporter, on écoute la même musique...” Après, Lionel est venu et, effectivem­ent, on a discuté des Charlots, de Mike Brant, et je me suis dit : “Bon, ben finalement, ça va être intéressan­t.” (rires)

R&F : Vous dites de “Jenny” : “C’est un doo-wop comme j’en compose sans arrêt mais qu’on ne garde jamais...”

Didier Wampas : Oui, ce genre de morceaux, on ne les garde pas d’habitude, avec les Wampas, ça ne marche pas... Au bout de vingt ans, quand je fais un morceau, je sais comment ça va sonner, ce que les autres vont jouer... Mais là, il y a plein de trucs qu’on a pu garder grâce aux arrangemen­ts de Lionel. On a eu plein de surprises, c’était super de travailler ensemble.

R&F : Et vous, les Limiñanas, votre amour de la variété ne transparaî­t pas vraiment dans vos morceaux...

Lionel Limiñana : “Dis-lui” de Mike Brant, c’est vraiment un morceau qui m’émeut, sans second degré. Ça nous fait marrer, avec Pascal Comelade, on fait souvent DJ ensemble, de retourner la salle à deux heures du matin, avec les mecs qui se mettent à pleurer ! Mais c’est normal...

Didier Wampas : Ce sont d’excellente­s chansons.

LionelLimi­ñana : Depuis que j’ai dix ans, j’écoute les disques de Jacques Dutronc, de Ronnie Bird, y compris les faces B, les ballades, etc. J’ai toujours adoré ça.

R&F : Une sorte de garage français…

Lionel Limiñana : Oui, mais avec la production de l’époque, alors que le garage américain, dans les sixties, on sait comment ça sonne, c’est différent. Là ce sont des disques produits. On parle souvent de la frustratio­n des Français par rapport au rock, mais je crois qu’il y avait un truc qu’on savait vraiment faire, c’était produire ce genre de musique-là. Ce sont vraiment de beaux disques.

De la musique bricolée

R&F : Les Wampas avaient déjà travaillé avec des producteur­s... Didier Wampas : Oui, mais d’habitude, ce sont des gens qui essaient de nous faire jouer comme sur scène, c’est moins intéressan­t. On fait les maquettes en répète, on s’enregistre tous ensemble, le producteur arrive et il ne change pas grand-chose, il prend le son. Là, il y a eu un truc vraiment différent, c’est la première fois que je travaillai­s comme ça, j’arrivais avec mes chansons chez Lionel et on faisait des maquettes tous les deux. On est partis de zéro, juste moi avec une guitare et les arrangemen­ts de Lionel.

R&F : Et l’ingénieur du son, Jim Diamond ?

Didier Wampas : Il était dans le coin, déjà. A la Grande Motte ! Lionel Limiñana : Ça faisait des années qu’on avait envie de bosser avec lui, mais il était à Detroit, c’était compliqué, là je savais qu’il était là... Et que ça collerait complèteme­nt avec le son des Wampas. C’est un vrai ingénieur-producteur, qui est abordable et qui se donne à fond.

R&F : Il ne parle pas très bien français, d’où le titre de l’album ! Lionel Limiñana : Ah, ça vient de là ?

Didier Wampas : Oui, il avait écrit sur les bandes, Sauvre le monde, au lieu de Sauver. On l’a gardé.

R&F : Les Wampas vendent des disques ? Sont écoutés en streaming ?

Didier Wampas : On n’a jamais vendu beaucoup de disques, mais je m’en fous. Le seul qu’on a un peu vendu, c’est quand il y a eu “Manu Chao”, et on n’a même pas été disque d’or... Vraiment, ce n’est pas le but. Je dis toujours que le sommet de ma carrière, c’est quand j’ai fait mon premier 45 tours. J’existais ! Depuis, c’est du bonus, je fais des disques sans chercher à atteindre tel ou tel truc... Etre célèbre, faire plus de concerts, des grosses salles, je m’en moque complèteme­nt. Je veux faire des bonnes chansons, des bons disques. De toute façon, aujourd’hui, c’est le rap qui est à la mode, les mômes écoutent du rap comme on écoutait du rock dans les années soixante-dix. Le rock, c’est un peu comme le jazz dans les années 1960-70. Coltrane, qui est un des plus grands artistes du vingtième siècle, qui a tout changé dans la musique, jouait dans des clubs devant 50 personnes, pendant que les Beatles ou les Stones jouaient dans des stades. Il ne vendait pas de disques... N’empêche que Coltrane est aussi important que les Rolling Stones. Lionel Limiñana : Je me faisais la même réflexion avec des groupes comme le Velvet Undergroun­d dont tout le monde parle : ça ne marchait nulle part...

Didier Wampas : Tout le monde s’en foutait ! On sait bien, en remontant plus loin, dans l’histoire de l’art, qu’il n’y a aucun lien entre la célébrité et l’importance. Je ne dis pas que c’est bien qu’on ne vende pas de disques, mais ça n’a aucun rapport...

R&F : Avec les Limiñanas, tout à coup, vous êtes devenus le groupe...

Lionel Limiñana : Ce qui a peut-être aidé, c’est qu’on est arrivé à un moment où l’économie du disque était tellement merdique qu’on était un peu comme des poissons dans l’eau quand il s’agissait d’aller jouer à mille bornes en camionnett­e ou de faire un disque avec 200 balles... C’était de la musique bricolée, à un moment où l’industrie du disque n’avait plus une thune.

Didier Wampas : Je suis très content qu’ils bricolent comme ça. D’habitude, on tombe sur des producteur­s qui t’enregistre­nt, mettent Pro Tools sans te le dire et recalent la voix, tout. Là, il y a plein de trucs qui n’auraient jamais dû passer. Je me dis : “Comment ils ont pu laisser ça ?” Ça chante faux, les voix sont mal doublées, l’intro de guitare, là, où je joue n’importe comment...

Lionel Limiñana : On s’est dit : “Surtout, faut qu’on garde ça !” L’intro metal...

Didier Wampas : “Comme Une Vomissure Triangulai­re”. Je l’ai fait écouter à mon fils, il m’a dit : “Mais c’est quoi, papa ? C’est pas possible ton intro de guitare, c’est trop mal joué...” Il y a plein de trucs foireux. D’habitude, ça ne reste pas.

Lionel Limiñana : Ce disque, j’étais hyper content de le faire, et un peu flippé aussi, parce que pour moi c’était important... C’était la première fois que j’allais dans un vrai studio ! Avant, on a fait sept albums dans mon garage... J’ai trouvé ça super. Ça m’a vachement plu. J’ai vraiment vécu ça comme un super moment. Ça m’a donné envie de produire des groupes !

R&F : Vous multipliez les projets, les BO, L’Epée, etc. Didier Wampas : Je pense que si Johnny n’était pas mort, Lionel aurait été là pour faire le prochain !

Lionel Limiñana : On n’aurait jamais pu faire un disque de Johnny, je ne crois pas...

Didier Wampas : Moi c’est pareil, on m’a demandé d’écrire des chansons, j’en ai fait une mais je l’ai gardée pour moi ! Je ne l’ai même pas envoyée...

R&F : Une des meilleures chansons de l’album, c’est “Roy”, on a tous connu un mec comme ça... Mais c’est un truc qu’on ne dit jamais : “Il votait Front National/ Il était ch’ti et alcoolique/ Mais c’est le mec le plus gentil que j’aie connu”.

Didier Wampas : C’est une histoire vraie, c’était un pote du boulot, il était vraiment ch’ti, alcoolique, la totale, et il est vraiment mort... Lionel Limiñana : J’adore celle-là aussi...

R&F : On ne peut pas dire des électeurs du RN : “C’est tous des nazis !”

Didier Wampas : Un tiers des Français ! Ils ont tort politiquem­ent, c’est sûr, ce n’est pas la solution de voter RN, je le combats, mais voilà, le pauvre Roy... J’ai hésité à la mettre, je me suis dit que j’allais encore me faire pourrir dans les cercles d’extrême gauche, mais j’ai l’habitude, ils ne m’aiment pas, de toute façon... Déjà, à l’époque des Bérus, ils nous appelaient les PPC, les Politiquem­ent Pas Clairs !

La vie de Sacha Distel

On n’était pas assez engagés à l’extrême gauche... Trop second degré, ils ne nous aimaient pas.

R&F : “The Secret Life Of Sacha Distel”, c’est du pur Wampas... Didier Wampas : Dans “Alias”, le livre de Vince Taylor, à la fin, il dit : “J’ai écrit un scénario sur la vie de Sacha Distel, c’est moi qui vais jouer le rôle, il ne manque que le producteur !” J’en ai fait une chanson...

R&F : D’un côté Vince Taylor, le rocker absolu, fou, et de l’autre Sacha Distel, le playboy de la variété : ça vous résume bien ? Didier Wampas : Peut-être... La grosse différence entre Lionel et moi, c’est que lui, il a bon goût (rires). Non mais c’est vrai, à part Mike Brant, il n’aime que des trucs de bon goût, Beatles, Rolling Stones, Velvet Undergroun­d... Moi j’ai très mauvais goût, je le revendique, j’aime des trucs obscurs, limite variété. Je suis fan des yéyés, des Pirates, des Vautours. D’ailleurs, j’aimerais vraiment faire un disque de reprises de twist, c’est trop bien. J’ai des potes qui font du rockab’, il faut que je parte trois jours avec eux, on va en studio, on le fait... Ça fait plusieurs fois que je parle avec des gens de “Tu Peins Ton Visage” (adaptation du “Warpaint” de Barry Mann)...

Lionel Limiñana : Elle est super, cette chanson !

Didier Wampas : Surtout la version des Vautours, qui est géniale. J’adore cette chanson. Quand on a fait notre premier 45 tours, on a eu une chronique dans Best, qui disait que “Ma Petite Amie Est Nazie” était le meilleur titre de rock français depuis “Tu Peins Ton Visage”... J’étais super fier, heureux comme tout.

Album “Sauvre Le Monde” (Verycords)

“J’aimerais vraiment faire un album de reprises de twist”

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France