Rock & Folk

Essentiel pour qui veut savoir d’où vient le rock’n’roll

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The Replacemen­ts “DEAD MAN’S POP”

Rhino (Import Gibert Joseph)

Après l’échec de leur chef-d’oeuvre “Pleased To Meet Me” (1987), le label Sire pousse les Replacemen­ts à sortir un album plus commercial afin qu’ils passent enfin à la radio, ou, mieux encore, sur MTV. Un jeune producteur, Matt Wallace (qui connaîtra plus tard le succès avec Faith No More, n’est-ce pas ironique ?), leur est imposé. Wallace respecte le groupe, c’est un fan, et entend le rendre plus audible sans le trahir. Westerberg, quant à lui, dégaine certaines des plus grandes compositio­ns de sa carrière (“We’ll Inherit The Earth”, “Talent Show”, “I’ll Be You”, “Darlin’ One”, “Achin’ To Be”). Les séances se passent bien, et à la fin, Wallace mixe l’album en une journée... Hélas pour lui, Sire embauche un dénommé Chris Lord-Alge, qui se moque des Replacemen­ts comme de sa première console, pour concevoir un mix radio friendly. Il accélère la vitesse de “I’ll Be You”, ajoute des effets partout, et noie le disque dans un déluge de reverb typique des années 80, tout en transforma­nt la batterie de Chris Mars en une permanente charge pachydermi­que. “Don’t Tell A Soul”, qui aurait pu, après les merveilles de “Tim” et de “Pleased To Meet Me”, achever une trilogie extraordin­aire, est devenu un album creux et boursouflé archétypal de la seconde moitié des années 80, et n’a en fin de compte recruté que très peu de nouveaux clients... Des décennies plus tard, la femme du dernier guitariste du groupe, Slim Dunlap, a finalement retrouvé le mix original de Wallace. Lequel, longtemps hanté par la trahison qu’on lui avait faite et le mauvais traitement infligé à ce grand disque, a décidé de rendre justice. L’album ressort aujourd’hui avec son sequencing initial, dépouillé de tous les effets ajoutés par le mixeur fou, et c’est un chef-d’oeuvre finalement restauré et rescapé. Qui sonne enfin comme les Replacemen­ts, et non pas comme les Replacemen­ts se prenant pour U2. Le coffret inespéré a d’autres charmes : si “Don’t Tell A Soul” réparé est disponible en vinyle et en CD, trois autres CD devraient ravir les fans : l’un regroupe les belles démos déjà très avancées enregistré­es à Bearsville et cinq titres enregistré­s avec Tom Waits durant une nuit très imbibée. Les deux autres proposent l’intégralit­é d’un concert donné à Milwaukee le 2 juin 1989. Le groupe y est en grande forme (avec eux, en fonction du degré d’alcool ingurgité, ce n’était pas toujours le cas) et exécute un set monstrueux incluant des extraits de son dernier album ainsi qu’une série de classiques, parmi lesquels “Alex Chilton”, “Bastards Of Young”, “Answering Machine”, “I Will Dare”, “Color Me Impressed”, “Valentine”, “Left Of The Dial” etc. Comme un best of live enrichi par une reprise magique de “Another Girl, Another Planet” des Only Ones. Magnifique.

The Doors “THE SOFT PARADE 50TH ANNIVERSAR­Y”

Universal

Evidemment, c’est l’album que tous les fans des Doors détestent, mais c’est aussi le seul que tous ceux qui détestent les Doors peuvent à peu près écouter, car sur près d’une moitié du disque, les Doors ne sonnent pas comme les Doors. Il y a des cuivres et des cordes, et le grand-guignol psychédéli­co-poétique est abandonné pour des chansons bizarres qui ont un côté casino de Las Vegas. Un album de transition sorti en 1969 pour un groupe qui, un an plus tard, changera radicaleme­nt de registre avec “Morrison Hotel”. Ici, le groupe hésite entre les directions à suivre : “Touch Me”, avec les fameuses cordes et les cuivres tant honnis fonctionne plutôt bien, et certains vicieux adorent aussi “Tell All The People” ou “The Soft Parade”. Ailleurs, ils abordent un rock plus blues qui sera plus tard développé jusqu’à “LA Woman”, comme en attestent “Wild Child” ou ”Shaman’s Blues”. Les obsédés du groupe pourront néanmoins se réjouir avec cette réédition qui propose “Tell All The People”, “Touch Me”, “Wishful Sinful”, “Runnin’ Blue” et “Who Scared You” sans les fameux arrangemen­ts, ainsi qu’une première version de “Roadhouse Blues” chantée par Ray Manzarek, le tout tenant en trois CD et un vinyle : c’est beaucoup. Mais ce lifting, contrairem­ent à l’album des Replacemen­ts cité plus haut, ne suffira pas à changer du plomb en or, et “The Soft Parade” restera à jamais comme l’album le plus bancal du groupe...

Billy Lee Riley “ROCKS”

Bear Family (Import Gibert Joseph)

La maison teutonne Bear Family est connue pour ses coffrets splendides dédiés au rockabilly comme à la country.

Dommage qu’elle n’ait pas pensé à embaucher un directeur artistique digne de ce nom pour ses extraordin­aires compilatio­ns en un CD (généraleme­nt divisées en deux chapitres : “Rocks”, et, lorsque la matière s’y prête, “Ballads”). Qu’importe, Bear Family est surtout connue pour ses masterings d’enfer, et aucun label n’a jamais été capable de faire sonner les enregistre­ments américains fifties de cette manière (surtout depuis qu’une grande partie de ce trésor est tombée dans le domaine public). Cette fois-ci, les ours se penchent sur l’un des plus sauvages mustangs sortis de l’écurie Sun. Avec Jerry Lee Lewis au piano et le terrifiant Roland Janes à la guitare, Billy Lee Riley était l’un des champions du rockabilly le plus dément, réputé pour quelques titres emblématiq­ues de cette école où la démence rapporte aujourd’hui de bons points : tout le monde connaît évidemment “Red Hot” ou “Flyin’ Saucers Rock & Roll”, mais le reste est invariable­ment très tendu et racé, comme le prouve cette compilatio­n de 35 titres millésimés, dont certains très rares, ou découverts longtemps après ses 15 secondes de gloire (il semble que,

comme Charlie Feathers, Billy Lee était trop ingérable pour que Sam Phillips ou d’autres aient la patience de construire un plan de carrière). Reste que tout cela est essentiel pour qui veut savoir d’où vient le rock’n’roll.

The Heartbreak­ers “YONKERS DEMO + LIVE 1975/ 1976”

Cleopatra (Import Gobert Joseph)

Cette réédition (ou plutôt cette compilatio­n d’inédits validée par Walter Lure) s’adressent à ceux qui savent apprécier les Heartbreak­ers pour ce qu’ils sont : un grand groupe bordélique, comme des Faces junkies et newyorkais. Ils sont ici captés avec Richard Hell toujours de la partie, le temps de démos enregistré­es en 1975 et de titres live remontant à 1976. Tout est déjà en place : “Blank Generation” et “Love Comes In Spurts”, qui sortiront sur un album de Hell avec les Voidoids, mais aussi “Chinese Rocks”, “Pirate Love”, “Can’t Keep My Eyes On You”, ainsi que, c’est assez surprenant, “Hurt Me” et “So Alone”, et quelques autres devenues des classiques. Le son est un peu rugueux, mais comme dit la chanson : “Everything is in the pawn shop”.

“Music From Jarvis Cocker’s Sunday Service”

Ace (Import Gibert Joseph)

Jarvis Cocker ne s’est pas contenté d’avoir été l’un des plus brillants mélodistes et paroliers de la britpop (pour laquelle il n’était a priori pas fait), ni d’être le meilleur chanteur héritier de Scott Walker avec Neil Hannon : ses activités post-Pulp étant désormais à temps partiel, il a décidé de faire profiter le monde de son amour de la musique, comme de sa connaissan­ce quasi encyclopéd­ique d’un univers multiforme... Ace publie aujourd’hui une compilatio­n (avec les notes de pochette de l’intéressé) grandiose des titres qu’il a passés pour BBC 6 Music entre 2010 et 2017. L’éclectisme est de rigueur et personne n’en attendait moins. De Tim Rose à John Baker (qui, le temps de “Invasion Muzak”, sonne comme Bill Evans revu par le limité Erik Satie), en passant par Cabaret Voltaire, Alternativ­e TV, Nina Simone ou Art Garfunkel, Jarvis ne cesse de surprendre par ses choix de morceaux méconnus, et trouve le bon goût de clore cette compilatio­n avec la plus grande reprise de feu Daniel Johnston jamais enregistré­e : “True Love Will Find You In The End” par les Headless Lovers d’Alela Diane. Sans faute...

Losing Touch With My Mind “PSYCHEDELI­A IN BRITAIN 1986-1990”

Cherry Red (Import Gibert Joseph)

Royaume-Uni, années 80 : après le post-punk, la new wave, le revival

mod, et les nouveaux romantique­s, beaucoup découvrire­nt les joies du psychédéli­sme sixties, et c’est l’objet de ce coffret de trois CD. Certains venaient de la scène mod (Prisoners, Jetset, Times, Stairs, Biff Bang Pow!, Mood Six), d’autres étaient psychédéli­ques depuis longtemps (Robyn Hitchcock, Paul Roland). D’autres venaient d’apparaître (Spacemen 3, Ultra Vivid Scene, Stone Roses), d’autres encore (Primitives, Charlatans, Boo Radleys, Primal Scream, Shamen, Inspiral Carpets, Pale Saints) se contentaie­nt de sortir de temps à autres un titre psyché tout en faisant de la pop. La variété de la scène (était-il vraiment nécessaire d’inclure un titre de Gaye Bykers On Acid ?) est bien montrée ici, mais on peut regretter que le coffret débute aussi tardivemen­t qu’en 1986 car la fête avait commencé bien avant. L’anthologie se rattrape néanmoins avec des titres moins connus de Jeremy Gluck (ex-Barracudas),

Sun Dial, Telescopes, etc.

Magic In The Air “1966-1970 THE BIRTH OF COOL BRITANNIA”

Rubble (Import Gibert Joseph)

Les fous furieux du label Rubble, spécialisé­s dans l’archéologi­e sixties, ont remis le couvert : voici donc un coffret de trois CD consacrés aux obscurités enregistré­es en Angleterre (la nationalit­é des artistes n’entrant pas en compte). Hormis quelques rares noms connus comme The Herd, The Alan Bown Set, The Attack, Nicole Croisille (pour un excellent “We Got A Thing”), Keith Relf ou The Idle Race, le reste est majoritair­ement constitué d’inconnus notoires qui ne doivent même pas être au courant que leurs rares singles sont désormais réédités. Comme toujours, la question est de savoir si ce qui est rare est forcément bon. Réponse : si ici rien n’est au niveau des grands groupes sixties anglais puisque le coffret souhaite avant tout faire découvrir des enregistre­ments inconnus, les bonnes surprises sont bien au rendezvous, et les archiviste­s de la période devraient en avoir pour leurs frais...

George Jones “SINGLES 1954-1962”

Reel To Reel (Import Gibert Joseph)

Un homme qui n’a pas de country dans sa discothèqu­e n’est pas vraiment un homme, et un homme qui n’a pas de disque de George Jones dans sa collection de country est encore moins : c’est un cloporte. Chez Reel To Reel, on a assemblé et remasteris­é (encore que certains des premiers titres sonnent de toute évidence comme du repiquage vinyle) tous les singles de George no show Jones — ainsi surnommé parce que trop souvent ivre, le cador aux cheveux en brosse annulait régulièrem­ent ses concerts au dernier moment — de 1954 à 1962, soit sa plus grande période avant celle avec Tammy Wynette (voire juste après leur divorce). La messe est dite et le singers’ singer, vénéré par tout le monde, de Paul Westerberg à Elvis Costello, pour ses talents de vocaliste inouï, est à la fête le temps de 93 titres d’anthologie, dont certains sont des oeuvres insurpassa­bles du genre country avec, en plus des titres splendides (“I’m Ragged But I’m Right”, “Take The Devil Out Of Me”, “Too Much Water”, “She Still Thinks

I Care”, “I’m With The Wrong One” ou l’extraordin­aire “My Mom And Santa Claus”). Autre chose que Garth Brooks, donc, et pour un prix modique (la crise du CD a parfois du bon).

The Young Gods “L’EAU ROUGE/ RED WATER”

PIAS

Rare groupe suisse vénéré chez les Anglo-Saxons (Trent Reznor l’adore), les Young Gods s’étaient imposés à la fin des années 80 avec un étonnant mélange d’influences musicales mêlant l’héritage des Swans, le genre industriel et la musique classique. Considéré comme leur sommet, “L’Eau Rouge” (une référence aux menstruati­ons, ça ne plaisante pas ici), ressort remasteris­é avec un remix de “Longue Route” et deux titres live. L’ensemble peut faire grincer les dents, même chanté en français (avec un léger accent helvétique assez dépaysant), mais après tout, c’était le but.

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