Rock & Folk

Paul Williams

- RSO/ Polydor

“BUGSY MALONE”

AUCUN MARIAGE AUX ETATS-UNIS N’EST CELEBRE SANS “WE’VE ONLY JUST BEGUN”. A l’origine, la musique d’une pub pour la Crocker National Bank, coécrite en 1970 par Paul Williams. Dans le spot, un couple convole en justes noces, ils ont l’amour, mais pas de flouze : vive l’emprunt ! Les Carpenters craquent sur le spot, demandent une version longue, faisant de “We’ve Only Just Begun” plus qu’un hit : une institutio­n. La liste des interprète­s ayant chanté du Williams n’a ensuite cessé de croître, alimentée par des individus pas négligeabl­es : Frank Sinatra, Elvis Presley, Curtis Mayfield, Scott Walker, Quincy Jones, David Bowie, Diana Ross, Ray Charles, Kris Kristoffer­son, etc. Daft Punk aussi s’offrira ses services. Paul n’est pas resté dans leur ombre. Pianiste des “Muppets”, sa bobine improbable traverse plus de 80 films et séries, de “La Bataille De La Planète Des Singes” à “The Doors” en passant par “La Croisière S’Amuse”, dont il signe le célébrissi­me thème (“Love, exciting and new/ Come

aboard, we’re expecting you”). Aussi grand que Yoko Ono (1 mètre 57), Paul Williams n’a pas seulement fait le macaque dans des nanars ou produit des chansonnet­tes pour une grenouille : le nabot s’est imposé comme un géant du songwritin­g. Il décrit son enfance non pas comme happy, mais

crappy (merdique). Des injections d’hormones stoppent sa croissance, il restera minus. Il pense d’abord être jockey, puis se tourne vers le théâtre. Il décroche un rôle dans “Le Cher Disparu”, où il joue un gamin de dix ans — alors qu’il en a 24. “Quand j’ai décidé de me consacrer à la compositio­n, j’ai enfin trouvé ma vraie place dans ce monde”. La première chanson qu’il refourgue : “Fill Your Heart”, enregistré­e par Tiny Tim puis, quatre ans plus tard, par David Bowie. En team avec Roger Nichols, il va caser hit sur hit. Il aimerait appartenir à un gang, auditionne pour intégrer les Monkees. Comment peut-il penser incarner l’Américain modèle ? Il crée son propre groupe, The Holy Mackerel : un album en 1968, presque aussi splendide que le “Younger Than Yesterday” des Byrds. Paul enregistre ensuite tout au long des seventies ses propres disques — un soft rock entre Burt Bacharach et Randy Newman fait de chansons sublimes. Seul problème, ce côté doux et sirupeux est écoeurant sur la longueur. Ce qui n’est pas le cas de ses BO. Dans “Phantom Of The Paradise” (1974), en plus d’incarner un producteur faustien, il compose

toutes les chansons, avec à la clé une nomination aux Oscars — il en remportera un pour “Une Etoile Est Née” deux ans plus tard. Sa BO de “The Muppet Movie” (1979), dans un autre registre, force également le respect, et pas seulement parce que Kermit chante son hit “The Rainbow Connection”. Moins connu, aussi inspirée : la bande-originale de “Bugsy Malone” (1976). C’est le premier film d’Alan Parker, avant “Midnight Express”. Au casting : Jodie Foster, échappée de “Taxi Driver”. Le concept : un film de gangsters rétro joué par des gosses — au lieu de vraies balles, leurs flingues tirent de la crème fouettée. C’est une comédie musicale, les chenapans font du playback sur les chansons. Alan Parker : “Je voulais Paul Williams, mais il était hors de ma portée. Mon producteur a quand même essayé de le contacter, et je me suis retrouvé à Las Vegas, où Paul donnait des shows, au Sands. Entre deux représenta­tions, nous avons épluché le scénario, ligne par ligne, chanson après chanson. Je mentionnai­s une phrase ou une situation, et instantané­ment, Paul fredonnait une mélodie et la retenait — comme s’il avait un magnétopho­ne dans la tête. Six semaines plus tard, en tournée à travers les Etats-Unis, quand il arrivait dans une nouvelle ville, il trouvait un studio d’enregistre­ment et nous expédiait les bandes en Angleterre, une par une. Il avait complèteme­nt réécrit mes paroles, et c’était bien mieux ! Les enfants écoutaient les chansons sur leur radiocasse­tte, et nous travaillio­ns les synchronis­ations, les chorégraph­ies...” Williams : “J’étais très motivé par le challenge : créer des compositio­ns qui s’inscrivent dans le contexte, les années 1920 de James Cagney, mais avec un son contempora­in. Quand, l’année suivante, Ella Fitzgerald a repris ‘Ordinary Fool’, c’était comme un adoubement.” Il y a des meilleurs morceaux sur l’album : “Down And Out”, “So You Wanna Be A Boxer”, “You Give A Little Love”, “Bugsy Malone”, des miracles de musical qu’auraient pu composer Ray Davies ou Harry Nilsson s’ils avaient été inspirés par des pistolets en plastoc et des galopins en costard. Avec “We’ve Only Just Begun”, Paul Williams a sûrement engendré emprunts immobilier­s hasardeux et divorces, mais il se rattrape avec “Bugsy Malone” : une crème fouettée auditive pour petits et grands, à consommer sans modération.

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