Rock & Folk

Eric Clapton “LIFE IN 12 BARS” M6 Vidéo

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L’épouse de Richard D Zanuck, lui-même fils de Darryl F Zanuck, patron de 20th Century Fox durant l’âge d’or d’Hollywood, ne travaille pas dans le cinéma par hasard. Son mari a beau avoir passé l’arme à gauche en 2012, elle continue d’évoluer dans ce business en tant que productric­e et réalisatri­ce. C’est d’ailleurs à la condition expresse que ce soit elle qui dirige ce documentai­re de 2017 que Eric Clapton a accepté d’y prendre part. Plus exactement, Lili Fini Zanuck a repris, à la demande du guitariste, un projet qui était en gestation avancée et dans lequel il hésitait à s’impliquer. Car, si l’on sait que sa vie n’a pas été un long fleuve tranquille, Clapton est resté un homme relativeme­nt discret, élégant comme son jeu, qui se livre à de belles actions mais loin des regards, ne supporte le feu des projecteur­s que lorsqu’ils éclairent une scène et n’est pas friand des grands déballages médiatique­s. Et donc, forcément, qu’il ait accepté de révéler tant de lui dans “Life In 12 Bars” tient autant du miracle que de la divine surprise. Et pourtant, ce qui fascine ici réside moins dans les faits, connus pour la plupart, que dans la façon dont ils sont abordés. Bien évidemment, l’enfance du musicien anglais élevé dans le Surrey, sa découverte du blues (le titre du film est une allusion au découpage rythmique du genre, basé sur trois accords et douze mesures...), ses exploits avec les Yardbirds, John Mayall, Cream, Derek And The Dominos puis en solo sont passés en revue ici ; les documents d’époque sont, pour la plupart, exceptionn­els (même quand la qualité de l’image n’est pas top) et les interventi­ons des musiciens et personnali­tés qui ont côtoyé Eric Clapton (en voix off — un choix que les Rolling Stones vieillissa­nts ont été parmi les premiers à faire lorsqu’il s’est agi de se raconter à l’écran...) sont millimétré­es mais pertinente­s. En vérité, ce qui fait de “Life

In 12 Bars” un documentai­re parmi les plus épatants reçus depuis vingt-cinq ans, c’est Slowhand (son surnom) en personne qui se raconte à mots couverts, sans jamais desserrer les dents, mais en laissant filtrer tout ce qu’il faut savoir et surtout son ressenti face aux situations auxquelles il a été confronté. Ses origines familiales complexes (celle qu’il croyait être sa soeur aînée est en fait sa mère), son irrésistib­le attraction pour l’épouse (Pattie Boyd) de son meilleur ami (George Harrison), ses positions politiques aussi droitières que scabreuses dans les années 70, sa relation suicidaire avec l’alcool et les drogues, rien n’est épargné à celui qui visionne ce Blu-ray et évidemment pas la chute mortelle de son fils Connor, d’une fenêtre d’un building new-yorkais. De ce traumatism­e aussi, God (...son autre surnom) s’est remis comme il a pu. Grâce à la musique, comme il l’explique, et à l’amour qu’il a trouvé ailleurs, dans les bras d’une jeune compagne à la fin des années 90 et dans le regard des autres enfants qu’elle lui a donnés. En décédant (à quatre ans) au début de la même décennie, le fiston Clapton, le mot n’est pas trop fort, a sauvé son père. Celui-ci s’est alors engagé à (sur)vivre uniquement pour honorer sa mémoire et en évitant tout ce qui pouvait nuire à sa stabilité mentale et physique. En 2019, il est facile d’ironiser sur le parcours compliqué de ce classic rocker richissime dont la discograph­ie solo de près de vingt-cinq albums est faite de hauts et de bas (son plus récent était un disque de Noël). Mais dans l’ombre ou la lumière (il organise tous les ans le festival Crossroads au profit des résidents du centre de désintoxic­ation qu’il a monté dans les Caraïbes), et pas uniquement pour défiscalis­er sa fortune, Eric fait le bien avec ses rentes. A voir sa tête dans la scène finale de “Life In 12 Bars”, ce moment où

BB King, sur les planches, vante ses mérites, son talent et son humanité, on comprend que Clapton qui fêtera ses soixante-quinze ans en 2020 est désormais passé du côté éclairé de la force. Même ceux qui lui ont toujours préféré

Alvin Lee, Ritchie Blackmore ou Jeff Beck sont contents pour lui.

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