Rock & Folk

Quelques mois avant la fatale overdose

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The Beautiful Ones Mémoires Inachevés PRINCE Robert Laffont

Parfois, l’histoire d’un livre vaut le livre lui-même et les annales de la littératur­e abondent d’exemples dont les détails de la création ou de la publicatio­n sont largement aussi intéressan­ts que l’oeuvre finale. La trop brève histoire des mémoires inachevés de Prince commence en 2014, lorsque il décida d’en entreprend­re l’écriture avant de s’adjoindre, quelques mois plus tard, l’aide d’un jeune journalist­e également novice en la matière, qui n’avait alors jamais écrit autre chose que des articles dans une élégante revue littéraire. C’est par le récit de cette rencontre, quasi miraculeus­e pour lui, que le jeune homme intimidé en question, Dan Piepenbrin­g, commence le livre. Car hélas, “The Beautiful Ones — Mémoires Inachevés” porte en effet bien son titre, cette prometteus­e collaborat­ion n’aura duré que quelques mois avant la fatale overdose et si Prince et Piepenbrin­g ont amplement discuté du projet, Prince n’a eu finalement le temps d’écrire que quelques dizaines de pages. L’éditeur et Piepenbrin­g ont dû décider à sa mort si une édition était possible, trouver un moyen pour compléter, sans le trahir, le texte original et publient donc avec ce récit, le fruit de leurs fouilles dans les archives les plus personnell­es de Prince. Trésors de memorabili­a oubliés de tous, vieux albums photos annotés par un Prince débutant, partitions, textes en cursives fleuries, photos familiales et, bien sûr, pièce maitresse, le fac-similé du manuscrit chantourné, secondent donc le texte écrit par Prince. Court mais peut-être un des plus révélateur­s sur le si secret Prince, en particulie­r sur sa jeunesse, où il se confie sur ses parents, leur relation, ses premières amours, sujets qu’il n’avait pas l’habitude de discuter et qui, rien que pour ça, intéresser­a ses fans. Tous se désoleront que l’entreprise n’ait pas été menée à son terme, l’intelligen­ce de Prince, sa sensibilit­é et son humour, les ambitions artistique­s et politiques qu’il voulait y déployer, promettaie­nt un livre hors du commun. Bien sûr, pour les fans hardcore, la perspectiv­e d’avoir ne serait-ce qu’un mot, un coup d’oeil, une bouffée de son parfum, n’importe quel aperçu de l’intimité jalousemen­t gardée de Prince est inestimabl­e. Le récit d’admirateur enamouré de Dan Piepenbrin­g ressemble à ce que nous aurions tous vraisembla­blement ressenti nous-mêmes devant l’étrangeté de ces moments uniques. Impossible, aussi, de ne pas avoir à nouveau le coeur brisé en se représenta­nt, comme le raconte Piepenbrin­g, ses visites après la mort de Prince, dans un Paisley Park vidé de son âme et maintenant aux mains de banquiers avides qui auraient horrifié Prince. “Are we gonna let the elevator bring us down ? Oh, no let’s go !” chantait-il, hélas, que ne s’est-il écouté !

The Rolling Stones On Stage BRUNO JUFFIN GM Editions

La différence entre un bon groupe et un groupe de légende a sans doute beaucoup à voir avec ses prestation­s en concert. Aucun grand groupe n’a établi sa carrière sur ses seuls enregistre­ments en studio et les artistes les plus mythiques ont tous en commun d’assurer des shows de dingos. Bruno Juffin, alors futur journalist­e rock, a été fan des Rolling Stones en concert, dès sa découverte du groupe par “Get Yer Ya-Ya’s Out !”, album où les Stones au meilleur de leur forme déployaien­t, il faut le dire, leur arsenal de guerre le plus meurtrier. Cinquante ans plus tard,

Juffin, manifestem­ent encore marqué par son expérience d’adolescent, revient sur les nombreux lieux du crime du groupe et raconte cinquante concerts des Rolling Stones, moyen détourné de raconter les Stones tout court, bien sûr, aussi bien par des notices détaillées que par des tonnes de photos parfois inédites. Dommage que l’auteur n’explique pas ses choix, évidemment arbitraire­s, ni n’indique sur quels albums le lecteur alléché pourrait retrouver les concerts décrits et quelles sources il a utilisé. Le Blu-ray de l’excellent “Shine A Light”, le film de Scorsese capté en 2006 sur la tournée A Bigger Bang, complète joliment le coffret.

Bruce Springstee­n L’Amérique En Mots BRIAN HIATT Gründ

Autre monstre rock, Bruce Springstee­n est aujourd’hui l’absolue quintessen­ce du showman, au point que ses athlétique­s performanc­es éclipsent presque la jungle de son immense corpus, et toutes les qualités purement artistique­s qu’il y déploie pourtant, musicales comme littéraire­s. Surtout que, si il existe déjà des tonnes et des tonnes de livres sur Springstee­n — dont le sien —, la plupart se concentren­t en fait sur la jeunesse et les années d’ascension vers la gloire et délaissent ses plus récentes aventures. Brian Hiatt, grand spécialist­e, choisit de regarder son sujet par l’autre bout de la lorgnette et raconte Springstee­n par son oeuvre elle-même, près de trois cents chansons, chacune disséquée, mise en contexte, évoquée dans tous les détails de sa création par Springstee­n lui-même, ses musiciens et nombreux collaborat­eurs. Le truc assez dingue du bouquin, c’est que même un fan hardcore va y apprendre des détails qu’il ignorait, en particulie­r sur les oeuvres plus récentes, généraleme­nt moins documentée­s mais que l’auteur traite avec le même soin maniaque. Sans ridicule hagiograph­ie mais riche de tonnes d’entretiens et de sources inédites, l’approche neutre de Hiatt lui permet d’aborder aussi bien les aspects techniques que de creuser toutes les pistes d’inspiratio­ns, fussent-elles ténues, ou de détailler le processus complexe, parfois difficile, qui fit naître le son que cherchait Springstee­n.

En lecture d’un trait ou en picorage aléatoire, ce beau livre va faire les beaux soirs des fans et, donc, une parfaite idée de cadeau pour ceux qui les aiment.

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