TWIN PEAKS
Moins nerveux que par le passé, l’impeccable quintette de Chicago a sorti à l’automne “Lookout Low”, troisième album réglo et très décontracté.
CELA NE FAIT PAS TOUT mais compte quand même un peu : Twin Peaks est un groupe éminemment sympathique. Depuis près de dix ans, ces gamins de Chicago envisagent le rock en bande, comme un mode de vie. Des copains qui, en dehors de leur local de répétition, partagent les mêmes centres d’intérêt : les Chicago Bulls, les Rolling Stones, le cannabis récréatif et — conséquence du hobby précédent — Grateful Dead. La formation de Jerry Garcia, d’ailleurs, serait le sésame pour entrer dans le nouveau disque de Twin Peaks. “Lookout Low”, troisième album sorti cet automne après une compilation de simples qui ralentissait déjà sensiblement le tempo (“Sweet ’17 Singles”, 2017), propose donc un trip plus alangui. On y découvre des arrangements de cuivres, des plans “Exile On Main St” et des solos de guitare harmonisés... Avant un concert formidable à la Boule Noire, Jack Dolan (basse, chant) et Colin Croom (clavier, guitare, chant), deux des quatre compositeurs du quintette, expliquent ce nouveau virage.
Bain de bouche
R&F : Le groupe a beaucoup évolué depuis “Down In Heaven” (2016). La compilation de singles et le nouvel album sont plus calmes... Jack Dolan : Cette série de singles nous a permis d’enrichir notre écriture, on a pu tenter des choses nouvelles et s’impliquer davantage sur les chansons des autres. C’est comme un muscle, la musique, il faut pratiquer.
Colin Croom : Quand on a enregistré ces singles, c’était comme un bain de bouche. On s’est dit : faisons ce que nous voulons, sans souci de cohérence et sans forcément sonner comme sur les deux albums précédents.
R&F : Vous avez enregistré “Lookout Low” au pays de Galles, avec Ethan Johns. C’était comment ?
Jack Dolan : C’était une expérience. Etre dans la campagne galloise pendant trois semaines, en février... Ethan Johns figurait sur une liste de producteurs potentiels qu’on avait établie. Il était le plus enthousiaste de tous, alors on l’a choisi. Il nous a enregistrés en live, tous dans la même pièce. Paradoxalement, malgré la technologie actuelle, il est de plus en plus difficile d’enregistrer un groupe en direct. C’était un défi pour nous. Les meilleurs disques, ceux de Neil Young par exemple, sont enregistrés de cette manière.
R&F : Il vous a raconté des anecdotes relatives à son paternel (le producteur Glyn Johns) ?
Colin Croom : Des souvenirs d’enfance, oui. Les fois où il se réveillait le matin et trouvait Keith Richards et Mick Jagger dans la cuisine... Je suis aussi un énorme fan de la méthode Glyn Johns, une technique très célèbre qu’il a inventée pour enregistrer les batteries. Mais Ethan n’utilisait pas la méthode de son père.
Lui, il utilisait 14 ou 15 micros sur la batterie et il choisissait ensuite en mixant.
R&F : Qu’écoutiez-vous au moment de concevoir “Lookout Low” ?
Colin Croom : Neil Young, énormément, surtout “Harvest”. The Band, aussi, “New Morning de Bob Dylan et, bien sûr, Grateful Dead... Ce truc s’est insinué en nous comme un virus. C’est Cadien (Lake James, guitare et chant) qui a commencé, il s’y est mis à fond et ça s’entend dans notre musique. Pour les arrangements, je me suis aussi beaucoup intéressé à Mulatu Astatke.
R&F : Sans vouloir vous vexer, on pensait plutôt aux Rolling Stones... Les parties de cuivres, notamment.
Colin Croom : Ça, c’est en nous... Pour les cuivres, j’avais écrit quelques partitions avant l’enregistrement. On était curieux de savoir sur quels musiciens on allait tomber car, évidemment, on ne connaissait personne au pays de Galles. On a rencontré deux musiciens de Bristol, très bons, enthousiastes. Avec eux, on a trouvé de nouvelles idées, changé des choses.
Une bière de temps en temps
R&F : Vous arrivez à vivre complètement de votre musique ?
Colin Croom : Si on n’achète que le strict minimum, un peu de nourriture et une bière de temps en temps, on s’en sort sans bosser. Mais certains d’entre nous prennent des petits boulots, font des extras au bar, ce genre de choses. Jack Dolan : Ça fait bientôt dix ans que le groupe existe. Quand on a commencé, on avait dix-huit ans, on dormait par terre chez des gens qu’on ne connaissait pas et on jouait dans des caves. On ne peut que s’améliorer quand on part de ça.