Tony Visconti
“It’s A Selfie”
TVP
La question est légitime : a-t-on besoin, en 2019, du disque d’un producteur qu’on ne présente plus et dont l’essentiel de la carrière est derrière lui ? Associé à l’oeuvre de T Rex et David Bowie, mais aussi Sparks, Thin Lizzy, Stranglers ou Rita Mitsouko, cet Américain qui a fait ses armes à Londres à la fin des années 60 a effectivement passé sa carrière à l’ombre de monstres que le décès (prématuré dans le cas de Marc Bolan) a sacralisés avant lui. Pourtant, avec le temps, à force de contribuer à des albums marquants, Visconti est devenu l’égal de ses idoles (on se contentera de mentionner George Martin) : il est aujourd’hui lifter officiel, un studio d’enregistrement porte son nom et, surtout, il continue de produire, avec brio, de bons albums (“Evil Spirits” pour The Damned, “Merrie Land” pour The Good, The Bad & The Queen, tous deux parus en 2018). Malin, il a profité des interstices entre les projets et les clients pour mettre en boîte ce second album qui sort plus de quatre décennies après “Inventory”, son premier. Sobrement intitulé “It’s A Selfie”, il n’est rien de plus, mais rien de moins ! L’homme se sait limité sur le plan vocal, mais il est un mélodiste tout à fait respectable et un sculpteur d’ambiances hors pair. Démos à peine améliorées parce qu’elles le satisfaisaient ainsi, ces dix chansons couvrent l’essentiel des genres actuels (la onzième est un générique de fin), du funk foutraque (la tubesque “Hey! Shout It Out”) à la ballade des gens qui s’aiment (“The Purpose Of Love”), en passant par la pop à vocodeur (“Hollow Dream”), la country en fond de confession (“Mystery Man”) et le rap roide (“The Eighth Year”). L’album est disponible en streaming, mais une version CD, recommandée, a traversé l’Atlantique. ✪✪✪
JEROME SOLIGNY