Leonard Cohen
“Thanks For The Dance”
COLUMBIA/ SONY MUSIC
Il est fatalement un peu curieux d’écouter l’album posthume de Leonard Cohen : il a tellement contemplé, au fil des ans, sa propre mortalité, qu’il semble s’exprimer aujourd’hui depuis un pays que sa voix sépulcrale connaît parfaitement. Sorti quelques jours avant sa mort en 2016, “You Want It Darker” était un album entièrement tourné vers l’acceptation de la fin, où il se dépouillait de tout attachement terrestre pour viser un détachement zen et se fondre dans l’infini. Mais, même diminué par la maladie, Cohen avait enregistré en parallèle d’autres morceaux, à charge pour son fils, ici producteur, de finaliser l’accompagnement après. Comme il laissait de toute façon mûrir ses textes des années, on ne peut pas vraiment parler de compos de second choix. S’ils n’ont pas la même unité thématique que pour son prédécesseur, les titres de “Thanks For The Dance” montrent toutefois Leonard Cohen tel qu’en lui-même enfin l’éternité le change : ses hantises, des souvenirs de romance, sa propre décrépitude, bref, un Leonard Cohen plus humain. Et, comme pour “You Want It Darker”, Adam Cohen a choisi la sobriété dans les arrangements, là où son père pouvait avoir la main très lourde, surtout au début des années 2000. Les membres du groupe de scène, notamment son guitariste flamenco, ou les invités de luxe comme Beck, Jennifer Warnes ou Daniel Lanois se succèdent, mais pour des touches toujours judicieuses, qui soulignent la fragilité poignante de la voix de l’interprète plutôt que de l’enfouir derrière des choristes ou des couches de synthé. Le résultat dure tout juste 29 minutes mais, de “It’s Torn” à “The Hills”, c’est toute l’essence d’une vie qui y est distillée.
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FRANCOIS KAHN