Jean-Louis Aubert
“Refuge”
PARLOPHONE/ WARNER
Aubert, on ne va pas mentir, on en chronique un tous les dix ans. Neuf pour être exact. “Comme Un Accord”, c’était en 2001 ; “Roc Eclair”, en 2010. Son dernier album de la deuxième décennie du 21ème siècle est double, mais on ne peut plus simple : c’est un chouette disque qui émane d’une personne qui n’a pas vraiment vieilli, n’a jamais su tricher. Arrivé à l’âge que McCartney anticipait en 1967, cet homme est resté un enfant, et ce n’est pas qu’à cause de son air de mioche avec qui on a toujours eu envie de devenir copain. Ses cheveux se feront plus rares, ses larmes plus amères creuseront peut-être plus profondément ses rides, mais ses textes, en français assumé, auront toujours des allures de dissertations inspirées, de poèmes écrits dans la marge ou au dos des buvards de l’existence. Jean-Louis Aubert en est à ce stade de sa carrière où l’on croit sincèrement que Téléphone et les Insus n’ont été que le revers de sa médaille. Ce que le musicien est véritablement transpire de ses albums en solo, toujours joliment bricolés, zébrés de mélodies espiègles, supports de refrains qu’on se surprend à fredonner. Folk rock, jouée à la main (la sienne principalement), produite sans frime ni fard, la musique d’Aubert, toujours audessus du lot, est celle d’un gamin au coeur ouvert sur l’océan de ses doutes, les pieds nus dans la flaque de ses certitudes. Jusqu’à sa fin, il continuera à farfouiller dans les tiroirs de son chiffonnier intérieur pour en sortir des airs comme “Ne M’Enferme Pas”, “Bien Sûr”, “Tire D’Aile” ou “Demain”, en ne rendant des comptes qu’à lui-même et sans risque de voir son bel enthousiasme altéré. ✪✪✪
JEROME SOLIGNY