ROCK ’N’ROLL FLASH BACK
JANVIER 1990 R&F 270
Le monde de la pop change de cristal et passe du 8 au 9. La rédac sonne 8 de ses journalistes et un étonnant caricaturiste, Richard Thibaud, pour balayer l’odyssée des 80’s dans un dossier de 16 pages. Michael Jackson, “phénomène de la décennie”, le CD sauve les disquaires, le rap sauve MTV, house, metal, sampling (“innovation à base d’antiquités”), un néo chasse l’autre, le néo-folk chasse le néo-jazz, Aidmania, top 50, frénésie des rééditions, compiles, reprises, autoreprises et, pire que tout, megaremix. R&F abuse d’une locution dont seuls les initiés devaient se rincer la bouche : “sono internationale”. Sous l’entrée Who : “Les vieux bluesmen n’ont plus le monopole de l’âge”. Pour conclure : “Les années 80 resteront comme les plus sages de l’histoire du rock. Le rock est entré dans les familles, opérette qui vit sur son passé destroy.”
JANVIER 1970 R&F 036
Pas une interview, que de la disserte. Moustaki, “rentier” à 25 ans grâce aux droits d’auteur de “Milord”, a attendu peinard pendant neuf ans l’autre gros coup de sa carrière. “Le Métèque” dégage des radios le “Casatchok” et le “Sirop Typhon”. Ce musicologue aux opinions politiques avancées déteste la country mais se damnerait pour Johnny Cash, bien que sa Martin D45 coûte le prix d’une Renault 16. Quatre jours dans le sillage de Chicago.
Ils donnent “La Marseillaise” au Royal Albert Hall en pensant jouer l’hymne anglais, et Pete Cetera s’inquiète de savoir si les chevelus se font tabasser en France. Lui, deux marines lui ont pété la mâchoire pour ça à LA. Justement, les skinheads
arrivent. Partisans d’une “élégance sévère et propre” et d’une musique “pure et simple”, Desmond Dekker ou les Equals, “ils se veulent aimables et inoffensifs”.
JANVIER 2000 R&F 389
Le “groupe du siècle” est... ? Ça commence par un B et ça rime avec teulse (le mot teulse ne signifie rien, dans aucune langue). Les vieux, les jeunes, les anciens modernes, les modernes de l’ancien en plusieurs couches décennales... Il faut avoir duré jusqu’à l’an 2000 pour être obsédé par de tels antagonismes. “On distingue deux crimes, écrit cet homme. Les morts qui ne veulent pas mourir et la taxidermie musicale.” Suggs est content d’être “un vieux con qui chante. Madness a un petit côté folk qui fait que nos chansons ont bien vieilli, contrairement à Jam ou au Clash, qui étaient fondamentalement jeunes.” Jean-Marie Périer, service nostalgiologie : “L’avenir appartient aux papys. Si je pouvais trouver un Filipacchi aujourd’hui, je lancerais Salut Les Vieux et ça cartonnerait.”
JANVIER 1980 R&F 156
Machine arrière sur les seventies. Le pèlerin du passé règle leur compte en 70 pensées. Il concasse Detroit, “Orange Mécanique”, reggae, jazz-rock, collectors, nécrophages (revendre “tout ce qui est mort”), disco, Métal Hurlant, producteurs (ces ingénieurs du son des sixties montés en grade), splits (les B... ah non, pas eux !), et ce mouvement de sauvageons coiffés à la diable avec leurs vieux habits troués. Tiens, le petit tablateur est parti avec les seventies. Tiens, la première Descente de Police : Lucien Ginsburg, alias... ? Indice : “Juif c’est pas une religion. Aucune religion ne fait pousser un nez comme ça.” Phil Spector produit le dernier Ramones. Il n’est plus parano selon Dee Dee : “Un soir, il a sorti un revolver et m’a visé, c’est tout.” Joey :
“Il va mieux.” Dee Dee : “Il essaie de marcher dans la rue.” Et maintenant, que le cauchemar commence.
JANVIER 2010 R&F 509
Robert Crumb a emmagasiné plus de huit mille 78 tours. Il exècre à peu près tout ce qui a été gravé depuis 1939, sauf le vieux rockabilly de la maison Sun. Il est maladivement nostalgique et son dernier bouquin relève de la “nostalgie ultime” : il a mis la Genèse en images. “Je vais passer les quatre prochaines années à dessiner de la pornographie.” Charlotte Gainsbourg sort un album, “IRM”, et se fait épauler par Beck pour dissiper le fantôme sclérosant de son père, “trouver une liberté et s’autoriser à être la plus nulle possible”. Josh Homme, un échantillon du supergroupe Them Crooked Vultures (c’est quoi ce lettrage de fleuriste ?) veut bien être le sauveur du rock avec Jack White car, “si le rock se résume à Coldplay, on est foutus”. Une goutte de venin, c’est toujours cool pour finir un billet.