Rock & Folk

Années folles

- VINCENT TANNIÈRES

Ça n’a échappé à personne, nous entamons les années 20. Au siècle dernier, elles furent folles. Music-hall, jazz, surréalist­es, Hemingway est à Paris, F Scott Fitzgerald aussi. Cocteau, Breton. L’Art déco. En ville, les femmes se sapent à la garçonne, fument, conduisent des automobile­s et l’on dit d’elles qu’elles ont des moeurs libérées... tellement d’hommes ne sont pas revenus du Chemin des Dames. Ou alors la gueule cassée, estropiés... Alcool, cigarettes, coco à volonté ! Aujourd’hui, on le sait, fumer tue, c’est écrit noir sur blanc. Aujourd’hui, boire tue. Si on y ajoutait la drogue... Pourtant, tout cela ne fut-il pas revendiqué et assumé par le rock’n’roll et parfois incité ou encensé dans certaines chansons autant que dans un mode de vie à une période qui s’était considérab­lement raidie ? Une guerre encore était passée. Si on avait demandé aux ados des fifties d’imaginer le futur, si la même question avait été posée aux gamins des années soixante, cette décennie, la dernière où l’humanité s’autorisait l’optimisme, la révolte et le rêve, avant que la réaction et le pessimisme, certes intelligen­t, cher à Voltaire ne reprennent la main dans l’art et la critique, n’épargnant pas le rock au passage qui deviendra imbu, calculateu­r, boursouflé, adulte en fait. Qu’auraient-ils répondu ? Auraient-ils imaginé, ces gamins qui croyaient dur comme fer que les voitures voleraient en l’an 2000, se retrouver à faire du covoiturag­e ? Nous sommes 20 ans plus tard et l’on a seulement réussi à faire rouler des trottinett­es sur les trottoirs. Ah, on vapote aussi. Pourtant, il y a une excellente nouvelle, et en couleur, pour débuter 2020 : le retour sur scène de Supergrass. Dix ans après. Le groupe à têtes de cartoon, ça a été souvent écrit ici. Un à tête d’endive, l’autre de Hobbit, le troisième ne ressemblan­t à rien et puis Gaz. Gaz Coombes, l’homme aux yeux de chat et à la pilosité lycanthrop­ique et ce groupe au super nom mais pas au super look, non. Privilégia­nt la musique, seulement la musique, et ne prétendant rien d’autre au moment où Suede, Oasis, Blur, Pulp, pour faire vite, s’abîmaient parfois en postures et clichés rétro. Balayant leurs manières affectées en proposant une musique lumineuse, fun et souvent fantastiqu­e. Et comme un signe, sans doute pas des temps, mais un signe d’y croire encore, “Alright” illustre en ce moment le clip publicitai­re pour Alvityl, “un concentré de 11 vitamines pour devenir grand” (à partir de 3 ans). Cette génération va donc biberonner à Supergrass et faire, on le souhaite, de ces années 20, les leurs, des années folles. PS : Aux fans de David Bowie : au moment où l’on se souvient de sa disparitio­n en janvier 2016, Boris Johnson est à la une de l’Express affublé de la flèche d’Aladdin Sane pour un dossier “Sacrés British !”. Pas glam, pas glam...

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