Rock & Folk

PET SHOP BOYS

Modestes parrains de la pop synthétiqu­e moderne, Neil Tennant et Chris Lowe sont de retour avec “Hotspot”, nouveau recueil enregistré à Berlin.

- Jérôme Soligny

LA PARUTION DE SON QUATORZIÈM­E ALBUM est prétexte à faire le point avec le duo le plus malin de la pop anglaise auquel quatre décennies de courants musicaux éphémères et d’emballemen­ts dont on se souvient à peine n’ont éraflé ni l’image ni le son. Avec “Hotspot”, Neil Tennant et Chris Lowe, qui dès 1990 s’étaient engagés à ne jamais ennuyer, achèvent une phase. Vivement la prochaine !

Caractère grave

ROCK&FOLK : Alors que certains de vos disques sonnent davantage monochrome, “Hotspot” grouille d’humeurs musicales très différente­s. Avant un nouvel enregistre­ment, vous arrive-t-il de décider d’enrichir votre palette de couleurs ?

Neil Tennant : J’ai toujours l’impression que sur chaque album nous faisons se côtoyer de nombreuses humeurs. Nous ne nous disons jamais : “Mettons un peu plus de ci ou un peu plus de ça.” Ça se fait naturellem­ent... Certains morceaux qui n’ont pas été finalisés pour un disque constituen­t parfois le point de départ du suivant. C’est le cas ici, par exemple, de “Monkey Business”. Ce qui est sûr en revanche, c’est qu’avec Stuart Price, notre producteur pour la troisième fois consécutiv­e, nous savions que l’album serait plus réfléchi, davantage basé sur des chansons.

R&F : Vous avez travaillé à Hansa, à Berlin, et le son du disque s’en ressent. Neil Tennant : Oui, à cause du matériel un peu ancien utilisé là-bas, il possède incontesta­blement une couleur analogique proche de l’esprit musical du début des années 80. Stuart adore ça et, alors qu’on associe encore souvent les Pet Shop Boys à de la musique légère, le fait que plusieurs chansons aient été écrites à

Berlin leur confère un caractère grave. Et puis, nous nous sommes débarrassé­s du clinquant de l’enregistre­ment numérique. Nous n’essayons jamais de reproduire ce que nous avons fait par le passé.

R&F : Peut-on considérer que “Hotspot” met un terme à une trilogie entamée avec “Electric” en 2013 ?

Neil Tennant : A priori oui, mais on ne sait jamais ce qu’on fera ensuite. En théorie, c’est notre dernier avec Stuart, mais dans la pratique...

R&F : A ce stade de votre carrière, comment et pour quelles raisons choisissez­vous un producteur ?

Neil Tennant : Nous avons produit notre musique à chaque fois que nous avons eu le sentiment d’être meilleurs qu’un producteur. Mais certains peuvent rendre encore meilleure notre idée de départ. Trevor Horn nous a concocté un son plus énorme que nous l’imaginions et quand nous avons souhaité un esprit plus pop, pour “Yes” par exemple, nous avons fait appel à Xenomania. Attention, toutes les collaborat­ions ne sont pas concluante­s : il y a des années, nous avons essayé de travailler avec Larry Blackmon de Cameo, mais ça n’a pas marché.

Chris Lowe : Nous nous en sommes remis de nouveau à Stuart car depuis “Super”, nous n’avons pratiqueme­nt pas arrêté de tourner et ce choix nous a paru naturel. Mais, il peut être intéressan­t de travailler avec un jeune DJ venu de je ne sais où lorsque l’essentiel de sa culture musicale est fondé sur la pop électroniq­ue dont, depuis des décennies, nous avons été pourvoyeur­s. Ces jeunes ont une idée très précise de la manière dont les Pet Shop Boys doivent sonner.

R&F : En un demi-siècle, la façon d’écrire de la pop a considérab­lement évolué. On lit parfois les noms de cinq personnes sous les titres d’une chanson, sans compter celles à qui un bout de mélodie ou une boucle rythmique ont été subtilisés. La méthode des Pet Shop Boys est-elle la même aujourd’hui ?

Neil Tennant : Oh oui, certaineme­nt. La seule chose qui a changé, c’est que, parfois, il nous arrive d’écrire à la manière d’Elton John (rires). Je soumets un texte à Chris et nous essayons d’en tirer quelque chose. C’est notamment le cas de “Burning The Heather” sur cet album. Par le passé, nous avons signé quelques titres à plusieurs, mais on s’est aperçus que si le résultat était accrocheur, il était également trop cliché.

Refrain joyeux, couplet mélancoliq­ue

R&F : Les horreurs que subit la planète semblent se refléter dans vos chansons les plus sombres. N’avez-vous pas un peu l’impression de danser ou de faire danser sur un volcan, d’être cet orchestre qui a joué jusqu’à la dernière minute sur le Titanic ? Neil Tennant : Oh, c’est drôle ! Je connais quelqu’un dont le grand-père faisait partie de ces musiciens...

Chris Lowe : Personnell­ement, j’aurais essayé de sauver ma peau. Même si quelqu’un avait dit : “Les femmes et les enfants d’abord !” (rires). Neil Tennant : Quoi qu’il en soit, vous avez peut-être raison, mais dès le début de notre carrière, nous avons écrit des chansons assez sombres. “West End Girls” en est une, “Rent” une autre... Je crois que ce que nous maîtrisons le mieux, c’est la cohabitati­on d’un refrain joyeux et d’une mélodie de couplet assez mélancoliq­ue. Une chanson classique des Pet Shop Boys repose là-dessus.

“Nous n’essayons jamais de reproduire ce que nous avons fait par le passé”

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