Rock & Folk

NEIL INNES

Membre du Bonzo Dog Doo-Dah Band, collaborat­eur musical des Monty Python et créateur des Rutles, brillante parodie des Beatles, le Britanniqu­e était pourtant davantage qu’un simple amuseur.

- Jean-Emmanuel Deluxe

NEIL INNES EST PASSÉ PAR LE PRESTIGIEU­X GOLDSMITHS COLLEGE de Londres dont il est sorti diplômé dans le domaine des beaux-arts. C’est au milieu des années 60 qu’il rencontre la joyeuse bande d’excentriqu­es dadaïstes du Bonzo Dog Doo-Dah Band, issue du Royal College of Art. Un groupe s’amusant à parodier tous les genres musicaux et (mal)mené par un grand allumé nommé Vivian Stanshall. C’est grâce au talent de compositeu­r d’Innes que le groupe va obtenir son unique tube, “I’m The Urban Spaceman” en 1968. Une chanson ironique à la mélodie imparable qui questionne l’intérêt de vivre dans l’espace, produite par Paul McCartney sous le pseudonyme d’Apollo C Vermouth. Innes se souvenait que “Paul était un génie. Il m’a fait chanter à chaque fois que l’on rejouait la chanson et a continué à essayer des choses jusqu’à ce que tout roule parfaiteme­nt.”

Humour aigre-doux

L’associatio­n d’Innes avec les Beatles est loin d’être anecdotiqu­e puisqu’un an avant, le Bonzo Dog Doo-Dah Band apportait une touche supplément­aire de bizarrerie au film “Magical Mystery Tour”. Toujours en 1967, les Bonzos deviennent le groupe maison de l’émission, Do Not Adjust Your Set, animée par trois futurs Monty Python, Eric Idle, Michael Palin et Terry Jones avec Terry Gilliam aux animations. L’année 1969 sonne la fin de l’aventure télévisuel­le et de celle du Bonzo Dog Doo-Dah Band. Un peu frustré de n’être considéré que comme un simple fantaisist­e musical, Neil Innes forme The World avec des intentions plus sérieuses. En 1973, Innes sort son premier essai en solo, “How Sweet To Be An Idiot”. La chanson éponyme, teintée d’humour aigre-doux sera plus tard copieuseme­nt plagiée par Oasis avec “Whatever”. Toujours en 1973, Innes intègre GRIMMS avec deux ex-Scaffold, le groupe de Mike McGear alias Peter Michael McCartney, frère de qui l’on sait. Innes sort enfin de l’obscurité en 1974 en composant pour le show télé des Monthy Python sur la BBC, puis finit par les suivre en tournée jusqu’aux Etats-Unis. Il compose pour eux la bande originale du fameux “Monthy Python : Sacré Graal !” et apparaît dans leurs films. A l’origine, The Rutles ne devaient être qu’une simple séquence de Rutland Weekend Television, émission conçue par un ex-Python, Eric Idle, pour la BBC2. Suite à un passage en 1976 dans l’émission Saturday Night Live, qui demandait la réunion des Beatles, “All You Need Is Cash”, un mockumenta­ry est produit par la chaîne NBC. C’est ainsi que se forment pour de bon les Rutles avec Neil Innes dans le rôle de Ron Nasty (Lennon), Eric Idle dans celui de Dirk McQuickly (Paul), Ricky Faatar (ex-Flames et Beach Boys) en guise de Stig O’Hara (Georges) et John Halsey sous le masque de Barry Wom (Ringo). Neil Innes se souvenait de l’écriture du répertoire des Rutles : “Les chansons de la période adolescent­e des Beatles étaient les plus faciles à reproduire, il suffisait de se rappeler la première fois où on avait mis notre main dans le soutif d’une fille. ‘Hold My Hand’ était ma version d’ ‘I Wanna Hold Your Hand’, mais inspirée de ma propre expérience. Certaines des chansons comme ‘Ouch!’ et ‘Piggy In The Middle’ ont été développée­s par rapport à des titres suggérés par Eric. Je pense que certains des titres qu’il a imaginés, mais qui n’ont pas été utilisés, étaient parmi les plus drôles : ‘Your Mother Should Go’ et ‘WC Fields Forever’.” Paul Simon, Mick Jagger, Ron Wood ainsi que Dan Aykroyd,

John Belushi et Bill Murray se prêtent de bonne grâce à l’exercice, mais l’adoubement ultime vient de la participat­ion de George Harrison au projet. Le seul qui, selon Gary Weiss, le coréalisat­eur du film, pouvait percevoir l’ironie de l’entreprise. Bien plus qu’une simple pochade, l’album des Rutles est un grand disque de musique pop qui dépasse l’exercice de style, à tel point qu’il a généré des tribute bands, un fan club japonais et un album hommage en 1990, “Rutles Highway Revisited” avec Galaxie 500, Dogbowl, Daniel Johnston, Marc Ribot, Shonen Knife et d’autres, sous la houlette de Mark Kramer (Shimmy Disc). Innes remonte les Rutles en 1996 pour l’album “Archaeolog­y”, parodie de l’ “Anthology” des quatre de Liverpool.

Le septième Python

Entretemps, Neil Innes aura connu une belle carrière de l’autre côté de la Manche, notamment avec une série pour la BBC en trois saisons, “Innes Book Of Records”, qui donna lieu à un brillant album parodiant tous les styles de pop à la mode en 1979. Si son décès lui a valu les hommages de ses amis John Cleese et Stephen Fry, ainsi que celui de fans prestigieu­x tels qu’Edgar Wright (réalisateu­r de “Baby Driver”), la France n’a jamais totalement compris le talent de satiriste et de brillant mélodiste qui faisait de lui davantage qu’un faiseur de chansons rigolotes. Ironique quand on connait la francophil­ie d’Innes, un homme qui a passé ses dernières années à Toulouse et a même chanté “Jean Baudrillar­d” et “Pour L’Amour Des Chiens” dans l’album du même nom, celui du retour des Bonzos, en 2007. Pour ceux qui voudraient rattraper le temps perdu, un documentai­re, “The Seventh Python”, lui a été consacré.

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