Rock & Folk

Superdisco­graphie

En évolution permanente et presque toujours brillants, Gaz Coombes et ses amis ont sorti six albums emplis de joie, d’énergie et de mélodies. Faciles à écouter, très difficiles à faire.

- BASILE FARKAS

“I Should Coco” (1994)

Entre la veillée funèbre de Nirvana et le passage en force d’Oasis, l’arrivée de Supergrass fait l’effet d’une bulle d’oxygène. L’adorable tube pop “Alright” est une déclaratio­n d’intention : accueillon­s trois jeunes couillons déconneurs — Danny, Mickey et Gaz, sans oublier le frère de ce dernier, Rob, absent des photos mais qui joue cette géniale partie de piano bastringue — heureux de vivre, de dealer un peu d’herbe et de faire de la bonne musique. Une bonne partie de l’album, du reste, est rock, voire punk, en tout cas très rapide. Une claque qui, sur quelques compositio­ns formidable­s (“Caught By The Fuzz”, “Strange Ones”, “Lenny”) rappelle les Buzzcocks, sans le malêtre, mais avec un batteur fantastiqu­e. Au moins autant que le chanteur et le bassiste.

“In It For The Money” (1997)

Plus riche, mieux produit, “In It For The Money” voit Supergrass se frotter à la grande histoire de la musique électrique. Un groupe qui connaît ses classiques et qui parvient à en faire un. On découvre chez les Oxfordiens un goût pour les guitares plus épaisses, l’orgue Hammond, le Wurlitzer, les cuivres. Comme avant lui Alex Chilton, Van Morrison ou Eric Burdon, Gaz Coombes est un chanteur de blues enfermé dans le corps d’un jeune homme de 21 ans. Et quasiment tout, ici, est fabuleux : “Sun Hits The Sky”, “You Can See Me”, “Tonight”, “Late In The Day”, “In It For The Money” et, bien sûr, le riff killer de “Richard III”. La botte secrète de Supergrass ? Ce sens de la relance sur des compositio­ns déjà excellente­s, à l’aide d’un pont, d’un autre refrain, d’une idée encore meilleure que ce qui précède...

“Supergrass” (1999)

En apparence, l’album à la pochette rayon X n’a pas le côté rock et racé des précédents. Les Anglais succombent à des plaisirs plus adultes. Les tempos sont plus calmes, Gaz abuse du E Bow (un résonateur électroniq­ue qui, plaqué sur la guitare, produit des notes planantes), joue des guitares acoustique­s qui rappellent Supertramp et signe même des paroles un tantinet neuneus (“Jesus Came From Outta Space”). Oui, et c’est ça qui est bon. Malgré quelques titres en trop, c’est encore une pluie de chansons accrocheus­es (“Pumping On Your Stereo”, “Moving”), mais aussi plus subtiles (“Faraway” et “Mary”, grandioses). En fin d’album, Mick Quinn signe avec la ballade “Mama And Papa” une des meilleures imitations de Big Star à ce jour.

“Life On Other Planets” (2002)

Théorie souvent assénée avec condescend­ance : les Supergrass seraient des musiciens pour musiciens, soit des types n’ayant pas forcément de grand message à délivrer au monde, car trop préoccupés par la confection de mélodies et d’arrangemen­ts réussis. C’est vrai et alors ? Ici, la palette musicale sans cesse renouvelée du quartette (Rob Coombes, omniprésen­t aux claviers, est désormais membre officiel) s’aventure notamment du côté du glam (“Rush Hour Soul”, “Seen The Light”, “Za”, “Grace”), pour un plaisir maximal. La pochette comme le titre sont objectivem­ent ratés, mais le contenu est à nouveau étincelant : “Can’t Get Up”, la tuerie “Never Done Nothing Like That Before”, sans oublier “Prophet 15” et “Run”, les beautés synthétiqu­es qui closent l’affaire.

“Road To Rouen” (2005)

Ne pas se fier au jeu de mots normandora­monesque du titre : “Road To Rouen” est le disque le moins punk des Britanniqu­es. C’est même tout le contraire. Dominé par le piano et la guitare acoustique, ce cinquième album développe un art très McCartney, celui de la petite chanson bucolique, qui bien sûr ne peut que grandir au fil des écoutes (“Sad Girl”, “Low C”). On imagine assez bien le désarroi de la maison de disques en découvrant le single “St Petersburg”, beau, mélancoliq­ue, mais pas du tout tubesque. Une chanson post-punk énergique est là pour la forme (“Road To Rouen”), mais le groupe a l’esprit un peu ailleurs. Au deuil pour Gaz, qui rend joliment hommage à sa mère sur “Roxy” et “Fin”.

“Diamond Hoo Ha” (2008)

Alors qu’il a tenu haut le flambeau pendant des années, Supergrass livre son album le moins inspiré au moment où le rock est à la mode. Le riff d’ouverture, “Diamond Hoo Ha Man”, se distingue à peine de la concurrenc­e médiocre de l’époque. Un comble. En creusant, on trouve quelques menues satisfacti­ons (“Rebel In You”, “The Return Of...” et surtout “Ghost Of A Friend”), mais rien de mémorable. Le carburant (les chansons) vient à manquer et Supergrass finit la course au métier. Toujours mieux que les Kooks, Kaiser Chiefs ou Blood Arm qui pullulent alors, mais pas de beaucoup.

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