Marcus King
“El Dorado”
FANTASY/ UNIVERSAL
Deux albums auront suffi à imposer l’évidence : Marcus King, né en Caroline du Sud en 1996, est le guitariste le plus renversant sorti de la Bible Belt depuis... des lustres. L’information a commencé par circuler au niveau local (Warren Haynes a produit le deuxième album, Chris Robinson l’a embauché), puis s’est répandue au-delà. Parmi les admirateurs, un certain Dan Auerbach, qui l’a fait venir dans son studio de Nashville pour l’y acoquiner avec son écurie de songwriters et musiciens cinq étoiles. Pour aborder “El Dorado”, mieux vaut oublier les deux premiers efforts et leur trinité guitare musclée/ cuivres/ voix soul. De peur, peut-être, que le prodige ne soit réduit à l’étiquette de guitar hero, Auerbach a mis l’accent sur la voix, tout en bétonnant l’écriture et les arrangements. Comme toujours lorsque le chanteur des Black Keys préside aux séances, l’univers sonore, très marqué, oscille entre milieu des sixties et début des seventies. On entend ici de la soul sudiste version Otis (“Wildflowers & Wine”), une ballade pop sophistiquée comme les studios californiens en produisaient vers 1965 (“No Pain”), un peu de country honky tonk (“Too Much Whiskey”)... On craint, au centre de l’album, que l’affaire ne soit trop proprette, mais la suite redresse la barre, avec “Say You Will” (du Freddie King période Shelter Records) puis “Turn It Up” et son groove à la Tony Joe White... Un peu plus tôt, “The Well” avait vu King ressusciter Free à lui tout seul. Les solos sont moins torrentiels, mais régalent par le travail sur le son et leur sidérante musicalité. Une prise de risque, dont l’avenir dira si elle se révèle un tournant (commercial) pour le nouveau fils prodigue du Sud. ✪✪✪