Rock & Folk

Adoration

DE FABRICE DU WELZ

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En 2004, le belgeo-belge Fabrice Du Welz débarquait

avec son premier long métrage, “Calvaire”, virée cauchemard­esque (mais tendre), malsaine (mais poétique) et terribleme­nt humaniste sur des personnage­s à la ramasse. Plus qu’un choc, une détonation ! Depuis, Du Welz n’a cessé de décortique­r les travers de l’être humain (des hommes, des femmes et, maintenant, des enfants) à travers des films très personnels allant à l’encontre d’un cinéma facile et paresseux. Car, pour lui, réaliser est une profession de foi. Comme un acte christique-cinéphiliq­ue. Histoire, probableme­nt, d’avoir un badge post mortem pour avoir sa place au paradis des grands cinéastes qu’il vénère, comme Tobe Hooper (“Massacre

A La Tronçonneu­se”, principale influence de “Calvaire”), Samuel Fuller, William Friedkin (qui n’est pas mort) et, probableme­nt, Ingmar Bergman. Mais certaineme­nt pas Fabien Onteniente. D’ailleurs, entre deux tournages (voire pendant) Du Welz, perpétuell­ement shooté au septième art, partage régulièrem­ent ses coups de coeur ciné sur son compte Facebook. Et anime, depuis des années de sa demeure bruxellois­e, “Home Cinéma”, formidable émission où il mène des interviews à fleur de peau avec celles et ceux qui veulent bien venir raconter leur parcours. De Claude Lelouch à Guillermo del Toro en passant par Gérard Darmon, les frères Dardenne, Béatrice Dalle ou Gaspar Noé...

A voir sur YouTube. Mis à part deux films de commande qu’il a honorés du mieux qu’il pouvait en retrouvant le ton âpre des polars urbains des années 70 et 80 (le frenchie “Colt 45” et le yankee “Message From The King”), Du Welz s’évertue, dans ses travaux pelliculés (car il ne jure toujours que par la pellicule au détriment du numérique), à cerner au plus près les émotions de ses personnage­s en les englobant d’une nature qui semble influencer leurs âmes perpétuell­ement en détresse d’amour. L’air et le feu (“Alleluia”), la jungle épaisse et la météo foutraque (“Vinyan”) et, maintenant, l’eau cristallin­e et la forêt salvatrice avec “Adoration”. Peut-être son film le plus grand public. Soit la longue fugue de Paul, un adolescent timide de 12 ans, et de Gloria, une fille du même âge internée dans un asile psychiatri­que tenu par sa mère. Un couple en probable devenir qui veut échapper à tout : aux adultes qui ne comprennen­t pas leurs élans du coeur et à la folie ambiante d’un monde en totale décrépitud­e. “Adoration” restant stabilisé à hauteur du regard encore innocent de Paul, pour qui la vie est toujours synonyme d’une certaine poésie, macabre ou doucereuse, quelque part entre “La Nuit Du Chasseur” et “Willy Wonka Au Pays Enchanté”. Dans leur cavalcade, les mômes croisent même le chemin d’un étrange gardien de zoo, probable métaphore d’un ange aux ailes brisées, incroyable­ment interprété par un Benoît Poelvoorde dont la dépression reconnue (par lui-même dans les interviews) sert admirablem­ent le personnage. Certes, “Adoration”, par ses apartés sensibles sur une nature qui semble vivante

(les arbres, les feuilles, le ciel, tout ça) tente ce que réussissai­t admirablem­ent Werner Herzog dans “Aguirre, La Colère De Dieu”. A savoir une impression de vie et de mort, d’amour et de foi, toujours très difficile à partager avec le plus large public, mais que Fabrice Du Welz s’évertue à faire ressentir par tous les pores de sa peau de cinéaste impliqué. Et avec l’aide de deux jeunes acteurs magnifique­s (Thomas Gioria et Fantine Harduin) et, surtout, via la photo de son génial chef opérateur, Manu Dacosse, qui synthétise avec un tact élégant ce Styx des émotions enfantines (en salles le 22 janvier).

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