Une punkette ambiguë qui boit de la 8.6
A une époque où les tensions sociales sur le régime des retraites tracassent pas mal de gens, le dessinateur Alex Bochard propose “Histoires Incroyables Des Légendes Du Rock” (Petit A Petit) où il détaille, de manière potache, la destinée de dix-huit rock stars, dont les deux-tiers sont mortes au travail tandis que les survivantes continuent de s’activer bien audelà des soixante-quatre ans envisagés par le gouvernement — Roger Waters : 76 ans ; Keith Richards : 76 ans ; Ozzy Osbourne : 71 ans et Iggy Pop : 72 ans. Parallèlement à ces valeureux exemples de travailleurs acharnés, le plus jeune, Angus Young (64 ans) annonce déjà qu’il repart en CDI pour une prochaine saison de festivals. En outre, on appréciera (ou pas) l’humour contenu dans la description des multiples façons de passer l’arme à gauche, toutes compilées dans cette série de biographies de Sid Vicious, Amy Winehouse, Lemmy, Lou Reed, Janis Joplin...
Auteur d’une indépendance d’esprit rare, Boris Hurtel publie rarement, mais le fait bien. Sa dernière BD, “L’Avenir Est Ailleurs” (The Hoochie Coochie), reprend le personnage d’Henri, infirmier au grand coeur qui aime venir en aide à son prochain en dépit des ennuis que ce genre d’initiative rapporte. Après un premier volume qui se passait dans un pays imaginaire d’Amérique Centrale en pleine révolution, Henri, à peine de retour dans son sanatorium, est contacté par son ex. pour l’aider à retrouver son fils adolescent qui a disparu. C’est le départ d’une série de rencontres poético-absurdes qui vont conduire le jeune homme en Boldavie, un endroit où la vie humaine ne vaut pas bien cher. Présentée à la manière d’un livre de poche, cette BD monochrome propose une approche très personnelle du récit d’aventure tout en se moquant de ses codes. Avec notamment une punkette ambiguë qui boit de la 8.6, la galerie de personnages imaginée par Hurtel est digne d’un film de Jacques Tati.
En 2010, Matthieu Morin pose un congé sans solde pour s’en aller aux Etats-Unis. Pendant cinq mois, lui et sa copine, grands amateurs d’art brut, sillonnent l’Amérique à la rencontre de lieux et de personnages que n’auraient pas reniés le facteur Cheval ou Jean Dubuffet. Neuf ans plus tard, l’auteur raconte ce voyage dans le très graphique “Des Pépites Dans Le Goudron !” (Fremok) à travers un mélange de textes, de dessins et de photos qui sert d’écrin à treize portraits d’artistes en marge de toutes les institutions connues. De la sculpture cinétique en métal récupéré de Vollis Simpson à la maison peinte du Québécois Arthur Villeneuve, le livre de Morin emmène dans un univers invraisemblable et magistralement illustré par Camille Lavaud Benito, une artiste que les aficionados du label Born Bad connaissent déjà.
Déjà responsable d’un ouvrage de référence sur les disques vinyles et la BD en 2009, Manuel Decker récidive avec “Tintin & Les Vinyles”, un livre aussi carré que son format 78 tours qui recense, pour la première fois, toutes les productions vinyliques tournant autour des aventures du petit reporter imaginé par Hergé. A partir d’un rarissime disque en cire paru on ne sait quand dans les années 50, l’auteur passe au microscope toutes les productions belges et internationales de 1957 (“Les Cigares Du Pharaon”) aux années 80. Si la majorité du livre tourne autour des pressages liés aux versions audio des albums, plusieurs chapitres sont consacrés à des sujets exotiques tels que les disques scandinaves, les disques publicitaires ou d’artistes reprenant l’univers de Tintin sur leurs pochettes. Afin de mieux cerner l’utilité de l’ouvrage, le lecteur se doit d’écouter en ligne quelques extraits de ces disques réalisés, pour la version française, par Nicole Strauss et Jacques Langeais. Approuvé par Moulinsart SA, l’ouvrage tiré à compte d’auteur est disponible en écrivant à tintinetlesvinyles@gmail.com.