Rock & Folk

STUDIO ELECTROPHO­NIC

Sous alias francophil­e, ce jeune Anglais renouvelle l’art de la chanson intime, tendance album au canapé du Velvet Undergroun­d.

- Christophe Basterra

“J’AI DéCOUVERT LA MUSIQUE DE JAMES LEESLEY grâce à Quentin Devillers, qui tient la boutique de vinyles Record Station, Paris 10ème, dans laquelle je vais régulièrem­ent. Il a posé le minialbum ‘Buxton Palace Hotel’ sur la platine et m’a dit : ‘Ecoute, c’est

vraiment pour toi !’ Et effectivem­ent je suis immédiatem­ent tombé sous le charme, le climat brumeux, la voix et surtout les compos. C’est si rare d’écouter de telles mélodies. Et la prod’ minimalist­e sur un quatre-pistes à cassettes, qui rajoute un côté classique... Cette sensation d’avoir toujours connu ces chansons.” Il a raison, ce maître-passeur qu’est Étienne Daho. Encore une fois, a-t-on même envie d’ajouter — comme en ce début de soirée de l’année 1988, sur un plateau de Canal+ où, face à Michel Denisot, il détaillait sa passion pour The Jesus And Mary Chain...

Ligne claire

Il a raison, parce que dans la chaleur de l’été dernier, c’est exactement cette même sensation qui surgissait en découvrant les premiers accords de “Jayne” : “avoir toujours connu cette chanson”. Cette sensation, peutêtre, était liée au fait qu’on n’a rarement été déçu par des morceaux qui ont dans leur titre des prénoms féminins — alors, on se souvient de Lisa, Charlotte, Caroline, Renée, Alice, Alison, Mary, Manon, Jane, Jeane et de quelques autres, de ces filles qui pleurent, toisent, se posent des questions, regrettent, séduisent, se laissent séduire, embrassent, rigolent et racontent parfois leur vie. Cette sensation était sans doute liée, malgré les années et l’éloignemen­t des continents, à cette impression d’un héritage en ligne directe, celui du Velvet Undergroun­d du troisième album, celui de “Candy Says” et de “Pale Blue Eyes”... Derrière le nom énigmatiqu­e de Studio Electropho­nique, se cache donc le seul James Leesley, un Anglais pas même trentenair­e à l’allure parfaite — à tel point qu’on pourrait le croire tout droit sorti d’un film de la Nouvelle Vague avec un physique aussi fragile que ses compositio­ns au charme suranné. Il y a encore quelque temps, il était à la tête d’un de ces groupes élevés aux chansons ligne claire — celles de Felt ou The Field Mice. Avec ses copains d’enfance, sous le nom de High Hazels, il montrait déjà son goût pour des mélodies qui flinguent les sentiments et son amour pour les titres qui se logent en plein coeur. Mais quand même... Depuis qu’il s’adonne aux plaisirs solitaires, l’affaire a pris une autre dimension. Avec trois fois rien — une guitare électrique ou acoustique, un petit clavier, une boîte à rythmes qui crachote — mais beaucoup de talent, James Leesley a signé six morceaux magnifique­s parus sur le label artisanal francoangl­ais Violette Records, à qui l’on doit entre autres la troisième résurrecti­on de Michael Head — Noel Gallagher voit bien de qui il s’agit. Comme un Lou Reed élevé du côté des North York Moors, ce gamin de Sheffield signe la bande originale d’une Angleterre un peu désuète, celle des filles élégantes mais un peu timides (alors qu’en fait, elles ont tout pour elles), celle des cafés aux banquettes en skaï et des tables vissées au sol, celle d’un Martin Parr qui aurait privilégié les couleurs pastel, celle des cheminées de Mary Poppins, celle de son concitoyen Richard Hawley, qui lui a déclaré toute son admiration dès les premières notes. Alors, on l’aura compris : “Buxton Palace Hotel” n’est pas tout à fait un disque comme les autres. C’est même un disque capable de faire croire “qu’une nuit dure toute la vie”.H

Mini-album “Buxton Palace Hotel” (Violette Records/ import)

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