Du côté de Caen
Certains font du rock sans l’intellectualiser, d’autres revendiquent une démarche artistique exigeante et préfèrent les expériences et la recherche à la reproduction de certaines recettes usées : c’est le cas de la majorité des huit sélectionnés du mois parmi les vingt-huit arrivés à la rédaction (chiffre en baisse notable à cause du confinement).
Depuis 2005, le trio Versari s’est illustré avec ses propres compositions et des reprises révélatrices de sa démarche (Tuxedomoon, Pere Ubu). Les musiciens affichent un solide background : le batteur officia dans Sloy, Tue-Loup, Zone Libre, la bassiste dans Candie Prune et le chanteur-guitariste dans Les Hurleurs. Leur troisième album impressionne par la qualité des textes enfiévrés
et par l’ampleur musicale de climats où souffle une flamme noisy pop enrichie des interventions d’Adrian Utley, guitariste de Portishead
Au départ, en 2010, The Yokel était un duo lorrain mais, après deux EP, la formule s’est étoffée avec l’arrivée de six autres complices. Deux ans après le précédent, ce second album anglophone, moins pétulant et guilleret, laisse parfois percer de la mélancolie sans se départir de la vivacité des débuts, ce qui ponctue les morceaux toniques et enlevés de ballades attendrissantes. Grâce à son ampleur instrumentale (violon, contrebasse, trompette, violoncelle, banjo, mandoline, guitare, batterie), à sa force mélodique et à sa complémentarité vocale, le groupe s’affirme ainsi comme l’une des têtes de file du renouveau folk
En 2016, le premier essai de Facteurs Chevaux avait intrigué et séduit. Avec son nouvel album, ce duo établi dans les Alpes confirme l’originalité et la force de sa démarche. Adepte d’un folk prônant simplicité et naturel, il impose ses chansons aux textes en liberté
grâce à la limpidité de ses guitares acoustiques, à ses harmonies vocales et aux références implicites à l’art brut qui planent sur ce disque en apesanteur réalisé dans le Palais Idéal du Facteur Cheval
En activité depuis deux ans,
The Eternal Youth rassemble, du côté de Caen, quatre musiciens ayant roulé leur bosse dans des groupes garage. Après un premier album à l’esprit très punk, ce second essai, en anglais, met l’accent sur leur versant power pop et cold wave : ces huit titres, portés par des guitares incisives et des mélodies accrocheuses, parviennent à préserver cet équilibre délicat entre puissance sonore et impact mélodique
On a connu diverses moutures de Thousand. Ce collectif évolutif, créé par le parisien Stéphane Milochevitch, a engendré, en 2008, un premier essai plutôt folk et anglophone, avant d’évoluer, sept ans plus tard avec un nouveau disque, vers une pop francophone. Pour ce troisième album, il adopte la forme d’un quartette avec clavier et persiste dans cette option pop en soignant son aspect charmeur basé sur des mélodies attrayantes, des textes entre ironie et onirisme et une voix à la Bashung qui cultive un phrasé singulier
Le trio bordelais Dätcha Mandala existe depuis 2009 mais a vraiment décollé en 2017 en ouvrant pour Les Insus au Stade de France et en sortant un premier album enregistré par Clive Martin. Pour son second essai, les trois ont fait confiance au même producteur et ce dernier, en bon connaisseur de leur démarche, a su mettre en valeur ce rock heavy chanté en anglais qui plonge ses racines dans les années 70
(Led Zeppelin, Black Sabbath) et qui parvient à allier grosses guitares et voix de tête avec une efficacité forgée par de nombreux concerts
Originaire de Nancy, Orwell poursuit depuis vingt ans la quête d’une pop sophistiquée et esthétique, sous l’impulsion de son concepteur, Jérôme Didelot, qui a recours à des formations musicales à géométrie variable. Avec des textes inspirés de l’oeuvre de Theodore Sturgeon, ce sixième album (en français, comme le précédent) reste fidèle à ses fondamentaux de raffinement et de délicatesse et varie les plaisirs en s’aventurant du côté d’une pop acoustique jazzy et en faisant appel à la chanteuse de Holden
Initié par Antonin Ternant depuis 2015, Black Bones est un quintette de Reims dont le second album sort de l’ordinaire. Enregistré dans un ancien couvent, il bénéficie d’un son majestueux et sépulcral qui convient parfaitement à une pop mutante fortement influencée par les Pixies. Les morceaux savent varier les atmosphères sans se complaire dans cette ambiance de cathédrale, n’hésitant pas à oser de sautillantes incartades et ils révèlent leur richesse harmonique en surfant sur l’ampleur de la voix féminine et des choeurs