Rock & Folk

Legs DiamonD

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ADMIRÉ PAR VAN HALEN ET LES GUNS N’ROSES, ce gang de Los Angeles aux atours gangster demeure pourtant tristement oublié. Il a traversé les décennies, vaillammen­t, malgré les déboires, ne parvenant jamais à supplanter un premier effort monumental, qui aurait dû assurer à lui seul une certaine postérité.

Ce récit déambule sur le pavé des rues vallonnées de San Francisco. Le vent charrie des senteurs iodées, caressant les joues de Jeff Poole, un jeune passionné de Ginger Baker. Les espoirs fourmillen­t dans son esprit : il vient de fonder Legs Diamond — référence à un increvable malfrat newyorkais des années 1920 — avec son pote Michael Gargano. Les deux amis décampent bientôt humer le fog de Los Angeles. Ils y recrutent le claviérist­e Michael Prince en 1974, puis le chanteur Rick Sanford et le guitariste jamaïcain Donovan McKitty, en lieu et place de Greg McGhee et Smokey Taylor — lesquels monteront Sorcery, mêlant heroic fantasy théâtrale et metal chevaleres­que. Pour Legs Diamond, les dates s’enchaînent au Starwood, au Troubadour ou au Whisky A Go Go, puis McKitty doit céder sa place à Roger Romeo, fine lame venue de Detroit, pour cause de myasthénie. Début 1976, l’ambitieuse firme Toby Organisati­on s’entiche du gang. Sur ses bons conseils, Legs Diamond s’attife de costumes trois-pièces à rayures, acquiert chapeaux et flingues factices. Sa tonitruant­e réputation scénique lui ouvre alors la voie vers les premières parties de Ted Nugent et Montrose. Le groove lourd de “Rat Race” s’invite également sur la compilatio­n “LA Soundtrack ’76”, éditée par la radio K-West. L’album est en ligne de mire. Cozy Powell et Ian Paice proposent leurs services à la console, mais Toby obtient un contrat chez Mercury et opte pour l’expériment­é Derek Lawrence (Deep Purple, Wishbone Ash). Lequel insiste pour ne retenir que sept titres, sans même écouter l’intégralit­é du répertoire du quintette. Une décision pertinente à l’écoute du percutant opus qui en résulte, publié au début de l’année 1977. Dès le terrassant “Stage Fright”, classique oublié du hard rock seventies, la classe est palpable : riff massif, voix haut perchée évoquant Robert Plant, frappe précise et explosive, puis un refrain entêtant, mémorable. Creusant le même sillon, “Satin Peacock” sonne comme du Led Zeppelin sous speed. Rick Sanford dégaine parfois sa flûte, apportant une touche mystique à certains titres. Doté d’un orgue Hammond bouillonna­nt, “Deadly Dancer” fait davantage penser au Deep Purple de “In Rock”, avant le grandiose “Can’t Find Love”. Cet excellent disque assure à Legs Diamond pléthore de nouveaux engagement­s : Ted Nugent, toujours, mais aussi Golden Earring, et surtout Kiss (qui tente de lui faucher “Satin Peacock”). Un deuxième album est envisagé. Mike Flicker, producteur de Heart, se positionne mais c’est Eddie Leonetti (Rex, Angel), ancien bras droit de Jack Douglas, qui s’impose. Il cisèle un son plus moderne à “A Diamond Is

A Hard Rock”, qui sort à l’automne 1977. Un brin moins époustoufl­ant que son prédécesse­ur, il demeure d’un très bon niveau : on en détache le crescendo de “Waiting”, la puissante ballade “Woman”, et surtout le riff sinistre de “Evil”, qui s’achève en cavalcade échevelée. Legs Diamond repart ensuite au turbin, pour une impression­nante liste de premières parties : Rush, Bob Seger, Styx, REO Speedwagon, ou encore Judas Priest. Malgré ces promesses, Mercury refuse de prolonger leur contrat. Une planche de salut apparaît en la personne de Walter P Marriner Jr, un roublard qui se fait passer pour... Shadow Morton. Il dégote un contrat avec Cream Records puis s’occupe de la captation de “Firepower” aux studios Gold Star. Un opus plus fade et commercial, dans lequel subsistent quelques éclairs de génie : le solennel “Remember My Name”, le boogie déchaîné “Chicago”, ou encore le très zeppelinie­n “Midnight Lady”, lardé d’une slide aiguisée. Las, le fils du patron de Cream est dessoudé d’une balle dans le crane : ce funeste évènement freine logiquemen­t la promotion. Une poisse telle que Roger Romeo, écoeuré, laisse sa place à Jim May. La matière pour un quatrième album est gravée en 1980 avant d’être remisée. Dommage, on y découvrait quelques nouvelles influences funk (le diabolique “Urban Desperado”) et des titres toujours plus accrocheur­s (“Fight For It”). Le suivant sur la liste des départs est Rick Sanford, ce qui entraîne l’inévitable séparation. Legs Diamond renaîtra plusieurs fois, avec Sanford et Prince comme piliers. En 1984, May est encore présent pour un “Out On Bail” assez daté — batterie réverbérée et synthétise­urs baveux — puis un oubliable “Land Of The Gun”. La renaissanc­e des nineties sera plus heureuse, avec le digne “Town Bad Girl” en 1990, un peu plus sleaze (“Nervous”) et qui voit le retour de Romeo. Puis le très bon “The Wish”, lourde et crépuscula­ire démonstrat­ion de force qui lorgne sur les Guns N’Roses de “Use Your Illusion”. En 2006, un correct “Diamonds Are Forever” a été publié, avec Michael Prince comme seul membre originel.

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