Le stylo à bille revient en force
Grâce à des auteurs comme Cromwell et l’Américaine Emil Ferris, le stylo à bille revient en force. Si le trait de la dessinatrice italienne Eleonora Antonioni n’en est pas encore à rivaliser avec les très grands, son “Girl Power !” (Casterman) réalisé sur un scénario imaginé par Francesca Ruggiero est une belle et rafraîchissante surprise qui va entraîner le lectorat dans le monde intérieur des adolescentes italiennes des années 90. A cette époque où téléphones portables et réseaux sociaux n’existent pas encore, Giulia, Anna et Clarice fréquentent sans se connaître le même lycée. Le soir, elles couchent dans leurs journaux intimes les évènements marquants de la journée à un moment de leur vie où le trio quitte le monde insouciant de l’enfance. Magnifique débauche d’émotions incontrôlées, ce roman graphique se doit d’être lu en écoutant la bande son de l’époque : Torre Florim, Subsonica, Smoke City et The Chemical Brothers.
Ce qui est bien avec les licences DC, c’est l’opportunité laissée aux scénaristes pour renouveler le genre comme bon leur semble. Dans le cas de “Black Canary New Killer Star” (Urban Link), Brenden Fletcher a carrément transposé dans l’univers du hard rock l’héroïne imaginée par Robert Kanigher et le dessinateur Carmine Infantino en 1947. Pour cette nouvelle mouture, Dinah Drake Lance abandonne sa lutte contre le crime pour devenir DD, la mystérieuse chanteuse du groupe Black Canary de Gotham City. Plus forts que les Dead Boys, plus rapides que les Ramones, plus agressif que Motörhead, les concerts de Black Canary sont un florilège de violence gratuite aussi bien sur la tronche des fans que des musiciens concurrents. Dessinée dans un style pas toujours très heureux par un collectif d’habitués du genre DC Rebirth (Annie Wu, Pia Guerra et Sandy Jarrell), cette suite riche en adrénaline et en situations outrancières devrait plaire aux amateurs de superhéros décalés qui cherchent, sans succès, à fuir leur passé.
Puisqu’il est question d’un état de guerre larvée contre un ennemi invisible, la lecture studieuse de “Vietnam Journal Volume 2 : Le Triangle De Fer” (Delirium) de Don Lomax arrive à point pour raconter tout ce qui peut arriver aux gens qui s’approchent trop près du feu. Authentique vétéran de la guerre du Vietnam, l’auteur a imaginé un personnage reporter de guerre, Scott Neithammer. Dans ce recueil, quatre nouvelles histoires qui sont ici publiées en respectant la chronologie originale. Au fil des épisodes, le journaliste sort de son rôle après avoir remis en cause l’objectivité de ses papiers. A la suite d’un accrochage, il se retrouve à faire le coup de feu pour sauver sa peau. Blessé à la tête, Neithammer est évacué par hélicoptère. Récit de guerre en noir et blanc, cette deuxième partie de “Vietnam Journal” aborde le thème de l’engagement. Le héros doit faire un choix qui va à l’encontre de sa mission première. En choisissant délibérément de sortir de son rôle d’observateur pour devenir acteur, le reporter démontre que le libre arbitre est une solution en période de crise.
Dans le très beau “Nocturne Vénitien” (Mosquito), Luca Russo met en scène Alberto, un pianiste qui a passé sa vie à composer des airs qui l’ont rendu célèbre. Il est marié à Giulia, qui se sent délaissée, puis meurt Devenu veuf, Alberto s’aperçoit qu’il est désormais incapable de jouer. Non seulement il a perdu sa femme mais, aussi, son art. C’est le début d’une spirale où se mêlent romantisme et fantastique dans des planches à l’aquarelle où le dessin prend souvent le pas sur les dialogues.