Rock & Folk

JOY DIVISION

Voilà 40 ans, le suicide d’Ian Curtis stoppait net la carrière du groupe post-punk le plus prometteur d’Angleterre. Le début d’un culte romantique morbide un peu réducteur quant aux qualités du quartette.

- Christophe Basterra

“Unknown Pleasures”, bande son d’un futur drapé de noir

“Je crois qu’il voulait être comme Jim Morrison : quelqu’un qui devient connu et meurt” Deborah Curtis

ANGLETERRE, JANVIER 1990. Le mensuel The Face consacre sa une à Ian Brown, chanteur d’un groupe de Manchester, The Stone Roses, promu superstar en quelques mois grâce, entre autres, à l’explosion médiatique d’une scène dont le nom de baptême est sans équivoque : Madchester. Les autres figures de proue, les Happy Mondays, sont aussi à l’honneur dans l’article. C’est le légendaire Nick Kent qui raconte l’ascension des deux formations, le genre de journalist­e qui sait métamorpho­ser la banalité en sensationn­el. D’ailleurs, il insiste sur la consommati­on ahurissant­e de drogues des Happy Mondays et en profite pour demander à Anthony H Wilson, l’éminence grise de leur label Factory Records, s’il n’a pas peur de voir périr l’un de ses protégés. La réponse fuse : “Qu’un de ces types meure dans mes bras ne me pose aucun problème ! Ian Curtis qui meurt dans mes bras est ce qui m’est arrivé de mieux dans la vie. La mort fait vendre !” Au jeu du tel est pris qui croyait prendre, Wilson en est pour ses frais : journalist­e de télévision connu pour son sens de la répartie, il a toujours nié ces mots. A juste titre : Kent les a inventés. Pourtant, aussi machiavéli­que soit-elle, cette citation résume assez bien ce qui est arrivé dix ans plus tôt, dans les mois qui suivirent le 18 mai 1980... “Quand la légende dépasse la réalité, imprimez la légende” : la fameuse réplique tirée du western de John Ford “L’Homme Qui Tua Liberty Valance” aurait pu être le mot d’ordre du label Factory, lancé en 1978 par Wilson et d’autres énergumène­s, tant la frontière entre réalité et fiction est ténue pour cette structure qui s’inspire de théories situationn­istes et décrète que “tout appartient à l’artiste”. Justement, parmi ces artistes, il y a Joy Division. Quatre gamins — Peter Hook (basse), Bernard Sumner (alias Albrecht, guitare, clavier), Stephen Morris (batterie) et Ian Curtis (chant) — qui ont cru que, comme dans une chanson de Lou Reed, leur vie serait sauvée par le rock’n’roll... Et c’est ce qui serait arrivé si l’histoire n’avait pas viré au drame. Un drame dont pas mal d’acteurs ont depuis disparu : le manager idéaliste Rob Gretton, le théoricien pop Tony Wilson, le producteur génial Martin Hannett, l’amante platonique Annik Honoré. Et, bien sûr, le leader charismati­que Ian Curtis.

Cancer de béton

Manchester, printemps 1976. Pour y croire, il faut voir les images qui ouvrent l’excellent documentai­re “Joy Division”, celles d’une ville éventrée, comme victime d’un bombardeme­nt : ruines, poubelles déversées, canalisati­ons d’égouts prêtes à céder... Ce “berceau de la révolution industriel­le” est à réinventer et se dressent alors des barrières d’immeubles que Stephen Morris compare à un “cancer de béton”. C’est dans cet environnem­ent que naît Joy Division. Un groupe qui comme tant d’autres a osé passer à l’acte, galvanisé par une éthique punk qui permet de croire qu’il existe une alternativ­e à une vie dont personne ne rêve. Ian Curtis a fêté ses 20 ans quand le 20 juillet 1976, il assiste au concert des Sex Pistols au Lesser Free Trade Hall de Manchester. Il n’était pas au premier, qui s’est tenu le 4 juin devant quarante spectateur­s médusés, dont les organisate­urs Howard Devoto et Pete Shelley des Buzzcocks,

Mark E Smith, futur leader de The Fall, un fan des New York Dolls nommé Stephen Morrissey et deux copains d’école originaire­s de Salford, Peter Hook et Bernard Sumner. Le coup de poing qu’ils reçoivent ce soir-là ne leur laisse aucun choix : Sumner a une guitare, Hook s’achète une basse. Ils tâtonnent, font du bruit, cherchent un chanteur. Au troisième concert des Pistols à Manchester, ils sympathise­nt avec Ian Curtis, qui ne passe pas inaperçu avec sa veste dont le dos est barré d’un “HATE” en lettres capitales. Pourtant, le garçon n’a pas le physique de l’emploi, frêle, le teint diaphane, “la légère translucid­ité” de yeux d’un bleu profond. Quelques semaines plus tard, il note un numéro de téléphone griffonné sur une petite annonce. Le hasard fait parfois bien les choses : c’est Sumner qui décroche. Entre Ian Curtis et la musique, l’affaire est sérieuse. Pour ce jeune homme né dans la banlieue de Manchester le 15 juillet 1956 et grandi à Macclesfie­ld, comme pour nombre de garçons de sa génération, tout ou presque commence avec David Bowie. Et avec lui, c’est tout un monde qui s’ouvre : les écrits de William Burroughs, les disques de Lou Reed et du Velvet Undergroun­d — surtout celui de “Sister Ray” —, le rock détraqué des Stooges et de leur leader Iggy Pop. Curtis chérit Mott The Hoople (Bowie, encore), adore Roxy Music, s’intéresse au krautrock et voit en la disparitio­n en pleine gloire du chanteur de The Doors toutes les raisons d’en faire une icône... “Je crois qu’il voulait être comme Jim Morrison : quelqu’un qui devient connu et meurt, racontait sa veuve Deborah Curtis à Jon Savage en 1994. Il disait toujours qu’il ne voulait pas vivre au-delà de 25 ans.” Il est un élève studieux, aime la littératur­e — ce qui le conduira à Sartre, Kafka ou JG Ballard —, mais arrête ses études avant le bac : il a trouvé un boulot chez un disquaire de Manchester, autant dire le paradis — ça ne durera pas. C’est en 1973 qu’il rencontre Deborah : elle est d’un an son aînée et sa deuxième aventure sérieuse. Ce sont les années d’insoucianc­e, celles d’un Curtis fan de rock, mais aussi romantique et jaloux, qui offre des fleurs à sa dulcinée tout en surveillan­t ses tenues. Il est un supporteur acharné de Manchester City — le club de foot cher aux prolétaire­s quand le rival United est celui des bourgeois —, mais affiche sa sympathie pour le parti conservate­ur. Il épouse Debbie en août 1975 et le couple convole en justes noces à Paris — sans même aller au Père-Lachaise. L’année suivante, il retourne en France, au festival punk de Mont-de-Marsan alors que Manchester est en ébullition. Les groupes surgissent de partout. Sumner, Hook et Curtis écartent le nom de The Stiff Kittens pour Warsaw, d’après “Warszawa”, un morceau de l’album “Low” de Bowie — décidément. En 1977, ils enregistre­nt une démo puis trouvent enfin le batteur adéquat, Stephen Morris, un autre gars de Macclesfie­ld. Mais à Londres, le groupe Warsaw Pakt va sortir son album : pour éviter toute confusion, le quartette mancunien change d’identité.

Le bruit des portes d’ascenseur

“Parmi ces cinquante filles, Daniella, la plus belle, la plus jeune, la plus désespérée. (...) Puis les Allemands l’ont enfermée dans un camp de concentrat­ion. Mais dans ce camp, il y a une section du travail et une section de la joie. Et la beauté de Daniella lui vaut d’entrer dans cette dernière.” C’est dans le roman “Maison De Filles” de Yehiel DeNur, alias Ka-Tzetnik 135633 (son numéro de déporté à Auschwitz),

que Sumner trouve l’idée. Section de joie, ces bordels réservés aux soldats allemands. Joy division en anglais. “Ça paraît trop beau, mais c’est comme si tout était venu du nom”, déclarera plus tard le journalist­e Paul Morley. Et il a peut-être raison. Début 1978, le groupe donne peu de concerts mais répète d’arrache-pied. Les nouveaux morceaux abondent, Ian Curtis est un auteur prolixe. Il encourage Peter Hook à jouer sur les cordes aiguës de sa basse. “Au départ, je jouais ainsi car je ne m’entendais pas : Bernard poussait son ampli au maximum. Ian trouvait que ça sonnait bien”. Une à une, les pièces du puzzle s’imbriquent. Le 4 avril, lors d’un tremplin organisé par les labels Chiswick et Stiff, Curtis agresse verbalemen­t Tony Wilson, qui n’a toujours pas programmé Joy Division dans son émission So It Goes. Mais la vraie claque que ce dernier prend ce soir-là, est musicale : “Les autres groupes étaient sur scène parce qu’ils le voulaient. Eux étaient là parce qu’ils n’avaient pas le choix.” Un autre spectateur ne s’en remet pas. Féru de northern soul, Mancunien jusqu’au bout des ongles, Rob Gretton est DJ et pense alors que Joy Division est le meilleur groupe qu’il ait vu : il se propose comme manager. Le quartette accepte, mais, auparavant, il a enregistré des titres pour la major RCA. Une expérience sans lendemain. Grâce à l’argent emprunté par Ian et Debbie, il a aussi publié un EP au titre parfait, “An Ideal For Living”, mais au son étouffé et au graphisme discutable : la pochette dévoile un membre des jeunesses hitlérienn­es alors que le nom du groupe s’affiche en lettres gothiques. Joy Division est suspecté de nourrir une certaine fascinatio­n pour le nazisme : le quatuor restera un temps mutique avant de réfuter. Quand Gretton prend les choses en main, il commence par mettre sous verrou les bandes enregistré­es pour RCA et lance un nouveau pressage de “An Ideal For Living”, en format maxi et avec une pochette de meilleur goût. Entretemps, Tony Wilson et le promoteur Alan Erasmus ont ouvert un club, The Factory, en hommage à l’atelier new-yorkais d’Andy Warhol. Puis, ils ont l’idée de sortir un double 45 tours avec certains des artistes non signés qui s’y produisent. Joy Division est de la partie et croise en studio un autre acteur essentiel de son histoire. Grand amateur de drogues et d’alcool, Martin Hannett, sorte de Phil Spector post-punk, est passionné de technologi­e et doté d’une imaginatio­n débordante, de celle qui pousse à enregistre­r le bruit des portes d’ascenseur. Il catalyse l’énergie brute des chansons pour leur offrir une ampleur minimalist­e et produit “Glass” et “Digital” pour le mythique EP “A Factory Sample”. Dès lors, le groupe et lui ne se quitteront plus. En avril 1979, ils enregistre­nt en trois week-ends le premier album “Unknown Pleasures”, bande son d’un futur drapé de noir — comme sa pochette granuleuse ornée d’oscillatio­ns blanches, oeuvre du génial Peter Saville. Le son clinique de la batterie, la basse en apnée, les guitares à l’agressivit­é latente offrent une dimension oppressant­e à ces chansons monochrome­s, écrins parfaits pour la voix blanche de Curtis. Depuis quelques semaines, le quartette provoque

“Il y avait deux Ian Curtis : l’un était célèbre et chantait dans un groupe, l’autre était perdu, très seul” Genesis P-Orridge

l’admiration de journalist­es (en janvier, un portrait du chanteur a même fait la une de l’hebdomadai­re New Musical Express), mais ce disque lui permet de franchir un palier. Le 15 septembre, il livre dans l’émission télé Something Else deux versions magistrale­s de “Transmissi­on” et “Shadowplay” alors que les téléspecta­teurs découvrent la danse d’automate qui agite, comme à chaque fois sur scène, le corps de Ian Curtis. Même le leader du groupe qui partage le plateau ce jour-là est subjugué — à tel point que Paul Weller revendique­ra l’influence de Joy Division sur le quatrième album de The Jam, “Sound Affects”. Cette fois, c’est le grand saut : les quatre musiciens quittent leur boulot, sillonnent la Grande-Bretagne en première partie des Buzzcocks et jouent à l’étranger, à Bruxelles, puis aux Bains-Douches à Paris — concert en partie retransmis en direct sur France Inter, dans l’émission Feedback de Bernard Lenoir, avant d’être immortalis­é en CD en 2001. Plus que jamais, Curtis touche du doigt son rêve d’adolescent. Mais les circonstan­ces ont décidé de lui compliquer la tâche.

Les lumières violentes

Il fait froid en cette nuit du 27 au 28 décembre 1978. Joy Division rentre de son premier concert londonien, un véritable fiasco. La voiture file sur l’autoroute quand Ian Curtis est secoué de violentes convulsion­s. La semaine suivante, le diagnostic tombe sans appel : il est épileptiqu­e. Selon ses camarades, c’est alors que tout bascule. Les pilules dont le chanteur se gave influent sur son moral. Un jour, il est euphorique, le lendemain, il est en proie à une profonde dépression. Mais il refuse de respecter les conseils des médecins : ne pas boire, se coucher tôt, éviter les lumières violentes — tout ce qui pourrait freiner l’ascension du groupe. Alors, les crises deviennent récurrente­s. Sumner se souvient : “Il ne pouvait même pas porter sa fille...” Le 16 avril 1979, Ian Curtis est en effet devenu père d’une petite Natalie, mais il semble déstabilis­é par l’irruption de cet enfant dans son quotidien. Il est en équilibre de plus en plus précaire entre la normalité d’une vie qu’il rejette et les chimères offertes par son statut de chanteur charismati­que. L’un de ses amis, feu le leader de Throbbing Gristle et Psychic TV, Genesis P-Orridge, rappelait qu’ “il y avait deux Ian Curtis : l’un était célèbre et chantait dans un groupe, l’autre était perdu, très seul”. L’autre est surtout incapable de mettre de l’ordre dans une vie privée qui s’étiole. Lors de l’été 1979, il a rencontré une jolie Belge qui vit et travaille à Londres et écrit pour un fanzine. Entre Annik Honoré et Ian Curtis, “un être rare, exquis, poli”, c’est le coup de foudre absolu. Pourtant, cet “être rare” est aussi le mec qui descend des bières avec ses potes, fait des blagues potaches et s’amuse à pisser dans un cendrier. “Dans ‘Digital’, l’aspect binaire des paroles et l’alternance des ‘day in’/ ‘day out’ semblent étrangemen­t liés à la personnali­té même de Curtis, qui est bipolaire comme on le sait maintenant”, avance le graphiste Jon Wozencroft dans le documentai­re “Joy Division”. “D’un côté, on a le type qui déconne et de l’autre, l’esthète qui lit des poèmes et s’imprègne d’idées prétentieu­ses, selon lesquelles il deviendra une pop star romantique.” A cet instant, Ian Curtis est surtout une pop star en devenir, qui en pince pour une fille cultivée avec laquelle il partage son lit pendant l’enregistre­ment du deuxième album du groupe à Londres, en mars 1980. Mais selon Honoré, l’idylle reste “pure et platonique... Je n’ai pas eu de relations sexuelles avec Ian, il prenait des médicament­s qui rendaient impossible une relation physique.” Physiques, les prestation­s scéniques le sont toujours autant, comme le traduit si bien Neil Norman dans le NME : “Au contraire de The Fall, qui me donne envie de sortir pour latter un chat, Joy Division finit de me convaincre que je serais capable de cracher au visage de Dieu.” On le comprend d’autant plus que les nouvelles chansons sont magnifique­s. Le groupe a offert une complainte bouleversa­nte, “Atmosphere”, au label français Sordide Sentimenta­l, qui presse 1 578 exemplaire­s de “Licht Und Blindheit”, un single aux allures d’oeuvre d’art. Sur scène et lors d’une session radio pour John Peel, il joue un morceau intitulé “Love Will Tear Us Apart” : tout son entourage y voit un hit potentiel. Mais Ian Curtis est ailleurs, miné par sa santé et ses histoires de coeur. Sa femme a eu vent de sa relation extraconju­gale et demande le divorce. Lui se refuse à choisir entre ses deux vies. Début avril, il fait une overdose de médicament­s — véritable tentative de suicide ou façon d’attirer l’attention ? Il reste un temps chez Wilson et sa femme Lindsay Reade et affirme vouloir tout laisser tomber. Il est question d’arrêter les concerts mais il faut d’abord honorer cette tournée américaine pour laquelle le groupe doit s’envoler le lundi 19 mai. Le week-end précédant le départ, Curtis retourne chez lui pour prier Deborah de revenir sur sa décision, sans succès, et elle finit par le laisser seul. Il appelle Annik Honoré pour lui donner rendez-vous à Londres le lendemain. Mais vers cinq heures du matin, le dimanche 18 mai, après avoir regardé un film de Werner Herzog, “La Ballade De Bruno”, et écouté en boucle “The Idiot” d’Iggy Pop, Ian Curtis se pend dans sa cuisine, “solution définitive à un problème temporaire” comme le résumera laconiquem­ent Peter Hook. Cinq jours plus tard, il est incinéré au crématoriu­m de Macclesfie­ld.

Panache glacé

Bien sûr, certains affirment que tout commence là. Après avoir hésité un court instant, Factory sort le single “Love Will Tear Us Apart” et l’album “Closer”, qui grimpent pendant l’été dans les charts nationaux. “La mort fait vendre” ? Nick Kent n’a pas tout à fait tort, même s’il ne faut pas occulter la beauté ravageuse de ces disques et de leur pochette — des photos du Français Bernard Pierre Wolff prises dans un... cimetière de Gênes. Car dans le succès posthume de Joy Division, il y a bien sûr le panache glacé de cet album empreint de la passion de Curtis pour Kraftwerk, les rythmiques hypnotique­s d’ “Atrocity Exhibition” ou de “Heart And Soul”, l’élégance sépulcrale de “The Eternal” et “Decades”. Il y a le refrain de “Love Will Tear Us Apart”, dont Paul Weller dit dès 1980 que ce “pourrait être une chanson soul”. Il y a la une du NME daté du 14 juin (premier numéro à voir le jour après six semaines de grève des journalist­es), où le groupe est immortalis­é par le Néerlandai­s Anton Corbijn, à peine installé en Angleterre. Il y a les trois survivants, qui décident de continuer sous le nom de New Order. Il y a le double album “Still”, sorte de faire-part de décès qui dévoile, entre autres, le dernier concert donné le 2 mai 1980 à Birmingham. Il y a, très vite, d’autres artistes qui enregistre­nt des reprises, comme Paul Young, auteur en 1983 d’une version discutable de “Love Will Tear Us Apart”. Mais qu’importe : cela montre à quel point Joy Division appartient déjà à la culture populaire britanniqu­e. Il y a, en 1988, la compilatio­n “Substance”, accompagné­e du clip religieux d’ “Atmosphere”. Il y a tous ces livres, écrits par les acteurs, les observateu­rs, les fans — mis à part les Beatles ou les Rolling Stones, nul autre artiste n’a suscité tant de littératur­e. Il y a “Désordre”, le premier long-métrage d’Olivier Assayas. Il y a ce film assez drôle (“24 Hour Party People”) et ce biopic signé Anton Corbijn (“Control”). Il y a tous ces groupes qui clament être sous influence, de Moby à Nirvana, de Sonic Youth à Radiohead. Il y a ce visuel d’ “Unknown Pleasures” devenu iconique, reproduit sur d’innombrabl­es T-shirts, de parkas de créateur, de baskets, de skateboard­s. Il y a, en 2015, cette idée de transforme­r en musée la maison du 77 Barton Street à Macclesfie­ld... Et puis, il y a ce culte pathétique né autour de Ian Curtis, poète et martyr pour fans transis qui boivent les paroles de “Disorder” : “I’ve been waiting for a guide to come and take me by the hand”. Un culte qui a trop longtemps occulté le principal : au-delà du seul charisme du chanteur, la puissance d’une musique qui n’a pas eu d’équivalent. Sans doute parce que, comme l’a résumé Annik Honoré, c’était “comme dans une histoire d’amour : chaque individu n’est rien en soi, mais ensemble, le courant passe et ça devient énorme. Joy Division, c’était ça.”

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