Stuart Moxham & Louis Philippe Wire
Les Young Marble Giants, formés avec son frère et Alison Statton, ont eu l’honneur de faire partie des groupes cités comme influence par Kurt Cobain. En France, c’est Nicola Sirkis qui reprit les YMG, ainsi qu’Etienne Daho qui obtint un tube avec son adaptation de “Love At First Sight” (“Paris Le Flore”). Enfin, Alain Bashung, qui avait découvert les YMG par l’entremise de Boris Bergman, adorait partager son enthousiasme pour les chansons fragiles de Moxham. Lors d’années passées dans la semi-obscurité des studios, Moxham a enregistré des disques magnifiques mais restés underground. Notamment avec Danny
Wire n’est pas un groupe comme les autres — et surtout pas comme ceux de sa génération, encore trop souvent en activité pour le seul plaisir de cachetonner. Depuis la sortie de “Pink Flag” en 1977 — disque
classé comme inclassable et matrice des scènes hardcore américaine et post-punk britannique —, la vie n’a pas été un long fleuve tranquille : séparation, réconciliation, départs, retours, changements de label — jusqu’à créer le sien — et projets parallèles à foison, en particulier pour la tête pensante Colin Newman. Dans un tel labyrinthe, “10:20” fait figure de norme. Deuxième album de l’année 2020 (après “Mind Hive” en janvier), il était à l’origine destiné au fameux Disquaire Day, entre-temps annulé pour les raisons que l’on sait, et le voilà qui sort par les voies traditionnelles. Les fans jusqu’auboutistes (il y en a) y trouveront de superbes relectures de morceaux pour la plupart déjà connus — Newman ayant depuis longtemps confessé sa passion pour l’idée de se
—, à l’instar du final menaçant “Over Theirs”, présent sur “The Ideal Copy” (1987) et “IBTABA” (1989) ici livré dans une version de neuf minutes et conclu par un drone
(“Power Is Taken”), ses élégies au piano nu (“Too Much Change” avec Apollo, l’instrumental “Separation”) et une pièce montée pour faire bonne mesure : le morceau-titre. En prime, une reprise allégorique de “My Only Love” de Roxy Music, le tout est livré sous pochette cartonnée avec le ciel dessus car à l’inverse de ce que prétendait Harry Segall, il ne peut plus attendre.
JéRôME SOLIGNY
Muscle Shoals. On y découvrait une voix caractéristique, unique, que l’on pourrait apparenter à celle de Jack White, et un talent de songwriter d’une précocité stupéfiante. Ce deuxième opus en est la confirmation. Il s’ouvre sur des bases phénoménales : on se délecte d’abord des ravissants arpèges de “Gravity”, guillerette comme “Blackbird”, avant d’enchaîner sur la bravache et dylanienne “Die Before You Live”. En troisième position, un hymne garage rock : la survoltée “Teenage Mayhem”, miroir des angoisses juvéniles. “True Believer” est une magnifique déclaration d’amour, sur fond de réseaux sociaux toxiques. Et puis il y a la chanson-titre, manifeste dépouillé sur la jeunesse actuelle, doté d’un sublime crescendo, accompagné d’un piano et d’un violon. Un certain vague à l’âme inonde aussi “Skatepark Doomsday Blues” et “Paint It Blue”, qui complètent cet instantané de l’adolescence fanée, entre révolte, rêves et désespoir, que Sammy Brue aura su saisir et exprimer comme nul autre. JONATHAN WITT mystiques, il est amusant de noter que cette musique est entièrement construite sur des accords irrésolus, des sixièmes rassurants, des harmonies creuses captées si près des lampes des amplis, qu’on pourrait n’écouter qu’elles toute la nuit. Cette longue nuit qui vient.
THOMAS E. FLORIN