Rock & Folk

BRENDAN BENSON

A Nashville, l’homme des Raconteurs renoue avec sa carrière solo via un “Dear Life” plaisammen­t power pop.

- Vincent Hanon

EN CES JOURS DE CONFINEMEN­T, ils ne sont pas légion à avoir autant d’atouts dans leur jeu. Brendan Benson, lui, a tout. Les chansons, le style, et des mômes. Détail non négligeabl­e : personne ne vient l’enquiquine­r pour lui demander un autographe quand il fait ses courses chez l’épicier, seule activité qu’il avoue s’autoriser sur la planète fin avril 2020. “Dear Life”, septième album où il donne dans la power pop de qualité, est le premier chez Third Man Records, label de Jack White. Une histoire de famille, puisque le musicien-compositeu­r a aussi participé aux trois albums des Raconteurs. Le branleur mélodique du quatuor s’y acquitte bien de son rôle — c’est d’ailleurs lui qui a composé le tube “Steady, As She Goes”. Lucide en solo, il écrivait dès ses débuts qu’il n’était “pas John Lennon”, et précise aujourd’hui que son “cerveau est lent” au détour de chansons joliment troussées, dans le sillage d’un George Harrison. Célébratio­n de la vie en bonne et due forme, l’ensemble s’avale d’une traite : BB appelle ça sa “non-crise de la cinquantai­ne”. Gentiment stone durant le confinemen­t, il articule chaque mot, exhibe le bandana qui lui sert de masque et s’inquiète de ce que les Américains aient l’air abandonnés à leur sort à l’heure où toute la planète se trouve dans la même pièce ou presque, de Nashville à Belleville.

Grâce à la marijuana

ROCK&FOLK : A quand remontent les chansons de ce “Dear Life” très réussi ? Brendan Benson : Cinq ou six ans pour la plupart. Je les avais enregistré­es dans mon ancien studio, démoli depuis. Il a fallu que je dégage, le bâtiment allait être rasé. Nashville est en plein boom, tout le monde veut y investir. Moi qui m’étais pointé ici pour faire de la musique... Dans mon ancien chez-moi, je ne pouvais pas jouer fort à cause de mes enfants à l’étage, dont un nouveau-né. J’ai fini par déménager, et j’ai désormais un studio digne de ce nom. Je n’y ai écrit que quelques chansons, “I’m In Love” ou “I Quit”. Une nouvelle tournée avec The Raconteurs a renvoyé “Dear Life” aux calendes grecques. Je me suis consolé en disant que ça n’était pas un problème. Jusqu’à ce qu’arrive ce Covid (rires).

R&F : Ecrire vous est facile ? Brendan Benson : Oui, grâce notamment à la marijuana, qui m’a aidé à composer. J’avais tendance à pas mal picoler, mais j’ai arrêté il y a six ans.

R&F : Etre père influe-t-il sur votre écriture ?

Brendan Benson : Psychologi­quement, oui. Je fais davantage gaffe à ce que je vais laisser derrière moi. Je suis extrêmemen­t sincère avec ce disque, je m’y exprime très simplement. Je ne vais pas dire que ça a été cathartiqu­e, mais ça m’a fait du bien. Je plaide coupable pour avoir pondu des paroles compromett­antes par le passé (rires). J’aimais tellement les mélodies que j’avais parfois tendance à me foutre du reste.

R&F : Musicaleme­nt, vos enfants ont-ils déteint sur vous ?

Brendan Benson : Oui, même si je me suis aussi fait l’effet d’un type qui ne comprend pas ce que son fils de 7 ans trouve à Justin Bieber, au point de lui dire : “Eteins ça, c’est atroce !”... jusqu’à ce que je baisse la garde et me mette à apprécier (rires).

R&F : Quels souvenirs gardez-vous de l’enregistre­ment de “The Weirdness”, l’album qui marquait les retrouvail­les en 2007 des Stooges ?

Brendan Benson : C’était dément. J’étais en Europe avec The Raconteurs quand mon manager m’a appelé pour m’annoncer qu’Iggy voulait que je chante sur le disque. J’ai pris l’avion direction Chicago, je ne pouvais pas louper ça ! L’espace d’une seconde, j’avais l’impression de faire partie de ces putains de Stooges (rires) ! J’ai eu un bol incroyable, ça reste un moment essentiel de ma vie.

Problèmes de concentrat­ion

R&F : A Nashville, vous avez produit quelques disques, comme celui de Robyn Hitchcock...

Brendan Benson : J’adore ça, d’autant que ça me permet de rester chez moi plus souvent. Mais les gens n’embauchent pas en ce moment... Soit ils produisent eux-mêmes, soit ils prennent carrément des pointures. Il reste peu de place pour les poids moyens dans mon genre.

020

R&F

JUILLET 2020

R&F : Comment avez-vous vécu ces jours étranges ?

Brendan Benson : Difficilem­ent. J’ai fait peu de choses. Je n’écoutais pas trop de musique, n’en écrivais pas non plus. Beaucoup, comme moi, étions dans cet état de flottement... J’ai fait des live sur Instagram, j’essayais de répondre aux questions du public. Mais j’ai parfois des problèmes de concentrat­ion — l’herbe n’aide pas... Ou peut-être que si, après tout (rires).★

“Faire partie de ces putains de Stooges”

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