Rock & Folk

TRICKY

Il est l’homme qui aimait les femmes. Ce lutin bristolien qui se fit connaître au sein du groupe Massive Attack est l’auteur de multiples albums solos dont la caractéris­tique première est d’être quasi exclusivem­ent chantés par des femmes.

- RECUEILLI PAR OLIVIER CACHIN “Fall To Pieces” et single “Fall Please” (False Idols/ Pias)

PARMI LES VOCALISTES DE TRICKY, il y eut Alanis Morissette, Björk, Grace Jones, Alison Goldfrapp, Neneh Cherry, Alison Moyet, PJ Harvey, Cyndi Lauper, Francesca Belmonte et Martina TopleyBird, la muse avec qui il eut une fille, Mina, décédée en 2019. Cette fois-ci, c’est avec la Polonaise Marta Zlakowska, 28 ans, que Tricky a finalisé cet album sombre, hanté par le souvenir de sa fille disparue. Agé de 52 ans, Tricky est à Paris en chair et en os. Après des mois de phoners et autres interviews par écrans interposés, c’est un plaisir de pouvoir discuter en vrai avec cet artiste caméléon à la surprenant­e productivi­té.

Une fille au micro

ROCK&FOLK : Vous définissez votre single “Fall Please” comme inspiré par la go-go music, un genre musical venu de Washington plein de groove et de cuivres, mais il sonne pourtant autrement… Tricky : Ce titre, je l’ai écrit à Paris il y a dix ans mais je ne voulais pas le sortir. Je le trouvais trop commercial pour moi, je n’étais pas prêt, mais un ami m’a dit qu’il trouvait ce morceau “beau et étrange”, donc apparemmen­t c’est une chanson bizarre. Moi, je trouve ça pop.

R&F : Vous ne semblez pas adepte de l’Auto-Tune…

Tricky : Jamais utilisé ce truc, ni rien qui y ressemble ! Je ne mets pas d’effets sur ma voix, je ne me suis jamais dit : “Oh, je vais prendre un melodizer”, si ça s’appelle comme ça. Pas question !

R&F : Une fois de plus, c’est une chanteuse qui interprète vos textes, Marta Zlakowska.

Tricky : Oui, j’aime que ce soit une fille au micro, même s’il m’arrive d’intervenir vocalement, parce que c’est mon album et que mon manager me répète tout le temps : “Je t’en prie, mets ta voix sur ton disque !” Si ça ne tenait qu’à moi, il n’y aurait que des voix féminines. Ça, c’est parce que je suis fainéant ! Marta, je l’ai rencontrée en Pologne. Ma chanteuse, qui n’aimait pas les concerts et dont j’ai oublié le nom, s’était barrée sans prévenir après deux shows. Marta travaillai­t dans un bar, connaissai­t ma musique et l’a remplacée au pied levé. Elle a interprété deux titres le premier soir, quatre le suivant, puis cinq. Elle est venue aux USA, en Europe et on a passé deux ans à tourner autour du monde.

R&F : Le succès commercial ne vous a jamais intéressé ?

Tricky : Ecoutez, un gamin qui est resté dix jours dans le coma m’a raconté que ses parents lui jouaient ma musique pendant qu’il était à l’hôpital. Et il m’a dit :“‘Pre-Millennium Tension’ m’a aidé à survivre durant la période la plus dure de ma vie”. Je sais que j’ai du succès. Les ventes, c’est un bonus, ça peut aider à avoir une vie meilleure mais en vérité, vous avez du succès quand votre musique touche l’âme de quelqu’un.

La nostalgie n’a aucun sens

R&F : Etes-vous nostalgiqu­e ? Tricky : Je pense au futur, je n’ai pas le temps pour les regrets. Je suis comme un boxeur, je ne vaux pas plus que mon dernier combat. Tu peux être champion du monde, être une légende et te faire battre par un chauffeur de taxi. Pour moi, la nostalgie n’a aucun sens.

R&F : Vous qui avez enregistré une quinzaine d’albums, vous n’avez jamais songé à sortir un best of ? Tricky : Pour l’instant, j’ai deux autres albums prêts à sortir, dont un projet à la “Nearly God” qui s’appelle “Lonely Guests” avec Lee Scratch Perry, Yannis Philippaki­s des Foals et Nneka. Alors, un Greatest Hits… Island voulait que j’en fasse un, mais je ne suis pas encore mort, pas vrai ?

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