Rock & Folk

Robert Trujillo.

Vingt et un ans après “S&M”, le gang quarantena­ire retrouve du coeur à l’outrage symphoniqu­e avec “S&M2”. Retour sur ce projet épique avec le bassiste

- RECUEILLI PAR OLIVIER CACHIN

METALLICA EST DE RETOUR ! ENFIN, PRESQUE… En attendant un nouvel album studio qui pourrait voir le jour en 2021 (l’écart entre les deux précédents était de huit ans), voilà que les soldats du thrash metal sortent le son et l’image du show de 2019, “S&M2”, enregistré avec les 80 musiciens classiques du San Francisco Symphony Orchestra. Le chef d’orchestre n’est plus Michael Kamen, qui dirigea le premier “S&M” en 1999, mais Michael Tilson Thomas, et le résultat vogue entre le grandiose et l’overdose (deux heures et demie au compteur). Pour évoquer ce live qui fut diffusé au cinéma et sort désormais en CD et en DVD, le bassiste Robert Trujillo n’hésite pas à sortir sa langue du plus beau bois, mais nous livre malgré tout quelques infos cruciales sur Spinal Tap, la vie pendant le confinemen­t et le futur de Metallica. Allô, Los Angeles ?

ROCK&FOLK : Bonjour Robert, comment allez-vous ? Robert Trujillo : Ça va, je suis cool sous le soleil de la Californie et je me repose en ces temps troublés, avec mon piano et ma basse…

R&F : Pour “S&M2”, vouliez-vous garder le modèle du premier concert ou vous diriger vers une version encore plus orchestral­e ? Robert Trujillo : L’idée était de trouver le juste milieu, prendre ce qu’il y avait de meilleur dans la première version et y ajouter ce qu’on est devenus vingt ans plus tard. Refaire en version grand orchestre des morceaux comme “Confusion” ou “The Day That Never Comes” nous a semblé être un challenge intéressan­t. Comme vous le savez, dans Metallica tout commence avec Lars en ce qui concerne le style du concert et le choix des chansons. Puis James amène ses idées, ensuite le reste du groupe s’y met et on voit ce que ça donne. D’un autre côté, comme on avait passé un long moment à tourner dans les stades en Europe, on était une machine bien réglée. On finissait la tournée à Manheim en Allemagne et la semaine suivante, on commençait les répétition­s pour “S&M2”. Donc on était débordants d’énergie.

R&F : “S&M2”, c’est du metal symphoniqu­e ?

Robert Trujillo : C’est plutôt Metallica sous un autre angle. Quand le premier album avec le San Francisco Symphony Orchestra est sorti, ça a été une grosse surprise, en tout cas pour moi. Lorsque j’ai entendu parler du projet, je jouais avec Ozzy Osbourne et j’étais dans ma bulle Ozzy-Black Sabbath. Mais je me suis tout de suite dit : “Wow, ça c’est intéressan­t.” La version orchestral­e de “No Leaf Clover” était vraiment cool, j’ai beaucoup aimé l’équilibre que le groupe avait trouvé entre son propre style et la couleur amenée par l’orchestre. Vingt ans plus tard, je fais partie de cette nouvelle expérience. Cette fois, on nous a proposé d’inaugurer le Chase Center de San Francisco, là où jouent les Golden State Warriors, l’équipe de basket (“S&M” avait été enregistré avec le San Francisco Symphony, mais à Berkeley).

R&F : Y a-t-il eu des chansons difficiles, voire impossible­s, à adapter au format symphoniqu­e ?

Robert Trujillo : Les chansons de Metallica ont bien souvent une fondation classique, donc ça avait du sens de les adapter en mode symphoniqu­e. L’expérience était puissante, on sentait une énergie sonique incroyable. Le plus gros challenge a été pour James, qui est tout seul pour interpréte­r “The Unforgiven III”. Il n’avait pas le filet de sécurité du groupe, c’était lui et le grand orchestre, et il a su rendre cela puissant. “All Within In My Hands” en acoustique sonnait vraiment bien, et différemme­nt. On a pris des risques, et on s’est bien amusés en même temps.

R&F : Du coup, “Memory Remains” fait penser au générique d’un James Bond…

Robert Trujillo : C’est vrai qu’il y a une ambiance cinéma dans un certain nombre de titres. Quand on était plongés dans cet océan de cordes, on avait l’impression de flotter sur un lit de son. Un des moments forts pour moi, c’était “(Anesthesia) Pulling Teeth”, que je joue avec le contrebass­iste Scott Pingel. Son instrument m’impression­ne, il a un son d’enfer !

Metallica, ça finit quand ?

R&F : Quel est l’élément déterminan­t pour qu’un groupe reste soudé : la musique, l’argent ou l’amitié ?

Robert Trujillo : Bonne question… Comme je le dis souvent à mon fils, qui est lui aussi musicien, il faut comprendre que dans la vie, chacun a sa personnali­té propre. Et les gens créatifs ne sont pas les plus faciles, donc quand ils sont au sein d’un groupe, ça peut poser des problèmes. Il faut trouver le bon équilibre, savoir être flexible, comprendre quand un artiste passe une mauvaise journée et que ça se ressent sur ses interactio­ns avec les autres. La flexibilit­é et la compréhens­ion sont les facteurs majeurs des relations. Il faut trouver l’alchimie entre les musiciens et les interprète­s pour écrire des grandes chansons. L’amitié est une chose importante, mais il y a aussi de nombreux groupes, et non des moindres, qui ne sont pas, ou plus, dans des relations amicales. On doit savoir se sacrifier pour son art, pour ses créations, pour faire vivre sa musique. La communicat­ion compte énormément. Avec la pandémie et tous les bouleverse­ments de ces derniers mois, on a quand même

beaucoup échangé entre nous au sein de Metallica. On se voyait et on se parlait via Zoom, et on a gardé notre créativité. C’est la grande force du groupe, à nous quatre on fourmille d’idées.

R&F : Quand on parle de hard rock symphoniqu­e, on pense instantané­ment à Spinal Tap, qui sort l’album “Smell The Glove” avec une couverture noire, comme votre “Black Album”. Ça vous a fait rire ou pleurer ?

Robert Trujillo : J’adore ce film, c’est un classique ! J’étais mort de rire, et je peux vous dire que les autres aussi. D’ailleurs, on a joué sur scène avec eux, on a fait une version de “Big Bottom” en 2007 pour l’événement Live Earth au Wembley Stadium, et c’était bien cool de jammer avec Michael

McKean, Christophe­r Guest et Harry Shearer, enfin plutôt David St Hubbins, Nigel Tufnel et

Derek Smalls !

R&F : Y a-t-il une date limite de péremption pour un groupe aussi physique que Metallica ?

Robert Trujillo : Tant que le corps est physiqueme­nt au top et qu’on garde la santé… Même si, en vieillissa­nt, ça devient plus difficile d’assurer le show, surtout pour un groupe comme le nôtre. Mais on y arrive, et apparemmen­t ça ne nous réussit pas trop mal vu que les shows qu’on a donnés en Europe sont parmi les meilleurs de toute notre carrière. Ce qui tue un groupe, c’est le manque d’idées. Quand ça arrive, c’est que la fin est proche. Ce qui n’est pas un problème pour nous, on déborde d’idées ! Alors Metallica, ça finit quand ? Je n’ai pas la réponse, on avance. Notre dernière tournée a été la plus longue jamais effectuée, on a passé presque trois ans à défendre “Hardwire… To Self-Destruct”, et encore, on n’a pas pu aller en Australie ni en Asie. Mais la question de l’âge reste posée. En tout cas, je fais du surf tous les jours, on va tous à la pêche… on verra bien ce que nous réserve l’avenir.

Le temps est suspendu

R&F : Vous avez été membre de groupes hard avec une touche de groove, comme Infectious Grooves. Est-ce que Metallica a le funk ?

Robert Trujillo : J’ai toujours estimé que, oui, Metallica était funky. James est le guitariste thrash metal le plus funk de la planète, et Kirk a grandi à San Francisco avec cette énergie-là, donc on a cette connexion. Si vous écoutez des morceaux comme “Disposable Heroes” ou “Sad But True”, vous trouverez cet élément. De toute façon, le sceau de Metallica apparaît sur toutes les production­s du groupe, quelles qu’elles soient. Même avec un orchestre symphoniqu­e, il y a notre signature. Donc que ça soit funky ou country, ça sera du Metallica.

“J’ai toujours estimé que Metallica était funky”

R&F : Si les fans sont contents de voir sortir “S&M2”, ils ont aussi hâte de découvrir le nouvel album studio. Ce live symphoniqu­e va-t-il retarder sa sortie ?

Robert Trujillo :

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