Rock & Folk

RANDY HANSEN

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VOILà CINQUANTE ANS QUE JIMI HENDRIX NOUS A QUITTéS. Quoi de plus logique, donc, que de s’attarder sur l’un des plus fidèles zélateurs de l’Eglise Electrique : Randy Hansen, qui a certes passé l’essentiel de sa carrière à parfaire un mimétisme stupéfiant — il est d’ailleurs officielle­ment agréé par la famille du défunt génie — mais qui possède aussi un splendide et méconnu album à son actif.

C’est dans la ville natale du Voodoo Child que s’initie la présente affaire : Seattle, Etat de Washington. Randy n’est qu’un gamin lorsque, drame personnel, son père trépasse. Dès lors, il se tourne passionném­ent vers la six-cordes. Chaque jour, Randy tente de reproduire les tubes du moment : Beatles, Stones et aussi les Ventures. Puis, comme tant d’autres, il est frappé par la météorite Hendrix lorsqu’un ami lui passe “Are You Experience­d”. Ce dernier devient un véritable modèle pour cet adolescent renfrogné, en quête de figure héroïque. Amassant quelques deniers dans une patinoire, il parvient à assister à l’ultime concert de l’idole à Seattle. Mais déjà, un nouveau drame se profile : Jimi rejoint les étoiles. Accablé, Randy se cloître chez lui pour pratiquer jour et nuit. Bientôt, sa mère, désespérée, lui pose un ultimatum : qu’il gagne sa croûte, ou elle lui désignera la lourde. Bon gré mal gré, Randy prend le sobriquet de Toad Murphy et intègre Kid Chrysler And The Cruisers, qui tente le difficile équilibre entre rock’n’roll et cabaret comique. Au bout de deux ans, le dénommé Kid Chrysler enjoint ses troupes à se lancer dans… l’imitation ! Randy opte logiquemen­t pour Jimi Hendrix. Si le public est d’abord circonspec­t, il finit par être conquis par ses prouesses. Afin de creuser ce sillon, il fonde Randy Hansen’s Machine Gun avec deux anciens Cruisers : Larry Epperley et Tim Kelliher. Le trio se forge un répertoire comptant quelques compositio­ns, mais se concentre surtout sur l’oeuvre du céleste gaucher : il devient un véritable tribute band avant l’heure, Randy arborant fine moustache, chapeau, foulards et fringues multicolor­es. Le succès se pointe avec les premières parties de Heart ou des Kinks, puis lorsque Francis Ford Coppola appelle Randy pour coucher des pistes de guitares sur la bande originale d’ “Apocalyspe Now”. Enfin, Buddy Miles en personne s’invite sur scène pour jammer avec lui à Los Angeles, ce qui pousse des émissaires de Capitol, extatiques, à lui tendre immédiatem­ent un contrat. Mais le malicieux producteur David Rubinson (Moby Grape, Santana, Herbie Hancock), déjà aux commandes de la bandeson d’ “Apocalyspe Now”, lorgne aussi sur le jeune talent, tout comme Coppola luimême. Sur la foi de son expérience colossale, Hansen choisit Rubinson, mais ne tarde pas à s’en mordre les doigts. Celui-ci fait poireauter Capitol, puis saque la section rythmique. En maraudant dans les clubs, Randy rencontre le batteur Charles Tapp et le bassiste Scott Rosburg (ex-Striker), qui deviennent ses nouveaux partenaire­s. Après lui avoir fait miroiter Todd Rundgren ou Eddie Kramer, Rubinson s’impose aux manettes d’un disque qui sera capté dans ses propres studios. L’album est publié en 1980. Il est excellent et se démarque totalement de l’idiome hendrixien. Dès les premières mesures galopantes de “Champagne And Cocaine”, on découvre un Randy Hansen extrêmemen­t doué, soutenu par une rythmique métronomiq­ue. Ses soli, bien condensés, maintienne­nt un équilibre parfait entre mélodie et virtuosité. Celui de ce titre est un modèle de feeling, de pureté. Outre la pop eighties de “Time Won’t Stop”, on se délecte d’une flamboyant­e reprise de “I Want To Take You Higher” (Sly And The Family Stone) et de “Watch What You Say”, sur laquelle on entend le timbre soul de Rosburg, très proche de celui de Glenn Hughes. La cavalcade “Millionair­e”, débridée et aérienne, est épatante, tout comme “Dancin’ With Me”, illuminée par un solo furieux. L’épique ballade “Don’t Pretend” conclut l’affaire en plus de sept minutes.

Le trio ouvre ensuite pour Bob Seger, puis participe à un festival à Oakland en compagnie de Blue Öyster Cult, REO Speedwagon et Sammy Hagar. Ce décollage prometteur ne dure pas puisque Rubinson tente de former un supergroup­e jazz rock avec Randy Hansen, Herbie Hancock et Narada Michael Walden, sans succès (le premier posera pourtant quelques guitares sur “Monster”, du second). Notre sémillant virtuose retourne alors à son lucratif spectacle en forme d’hommage, et n’en déviera plus durant les décennies qui suivront. En 1984, à San Francisco, il aura l’honneur de se voir accompagné par Buddy Miles et Billy Cox, pour une nouvelle mouture du Band Of Gypsies (immortalis­ée par la radio KRQR). Il aura aussi le privilège de côtoyer Noel Redding, Mitch Mitchell, mais aussi Michael Jackson (il coécrit “State Of Shock”), et usinera pas moins de huit disques (souvent autoprodui­ts et constitués de reprises d’Hendrix), ne se remettant à composer qu’en 1996 avec l’intéressan­t “Old Dogs New Tricks”.

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