PRINCE
Trente-trois ans après sa sortie initiale, “Sign O’ The Times”, double album emblématique, se fait coffrer et confirme la frénésie créatrice du Kid de Minneapolis. Trois intervenants partagent leurs souvenirs de cet apogée princier.
LE PRINCE POST-MORTEM ANNUEL, un événement en passe de devenir une tradition. Après la démo miraculeuse “Piano & A Microphone 1983”, l’album de ses propres reprises “Originals” et la munificence du coffret dix vinyles de “1999”, cette fin 2020 voit la sortie du box set “Sign O’ The Times”, une compilation haut de gamme pour un album sorti voilà trente-trois ans qui se classe aisément dans le top trois des chefs-d’oeuvre princiers.
Prends la photo !
Une des surprises de ce disque post-révolutionnaire fut sa couverture, avec un décor de fête foraine funky et un Prince flou, comme le fut jadis Paul Simonon sur la pochette de “London Calling”. Jeff Katz, responsable du shooting (et des meilleures photos de Prince entre 1985 et 1996), venait d’entamer ses onze années de collaboration en signant la pochette de “Parade”. Pour “SOTT”, il est convoqué par Prince à Chanhassen, où l’Artiste finit d’installer son Xanadu stéréo Paisley Park, “On est en janvier 1987 et il m’appelle pour me demander de venir le photographier, sans m’en dire davantage. Je n’avais pas écouté le disque mais je ne lui ai pas posé de questions car je savais déjà qu’il n’aimait pas trop ça. Avec lui, il fallait être très observateur, ou carrément télépathe ! Bref, j’arrive et je rencontre son nouveau groupe, qui remplaçait The Revolution. Je l’ai photographié seul, puis avec Sheila E et avec les musiciens. En deux jours, on avait les photos pour le programme de la tournée et pour l’album, mais il n’avait toujours pas décidé quelle serait la couverture”. Katz révèle les arcanes de cette session unique : “Je vais vous dire exactement ce qu’il s’est passé. Déjà, il faut savoir que quand on travaillait avec Prince, on ne dormait pas beaucoup, c’était non-stop du matin au soir. La pièce où on a monté le kit de batterie et tous les décors était un entrepôt désert, on a tout installé pour la séance. Après avoir photographié Prince sous tous les angles, avec le groupe et le miroir, je suis derrière mon appareil et j’ai le sentiment qu’on a tout fait. Et là, Prince s’approche. Devant mon trépied, il y a une caisse, Prince s’assied dessus, met son visage contre l’objectif et me dit : ‘Prends la photo’.
Je lui explique qu’il va être flou, que c’est compliqué, qu’il ne doit surtout pas bouger. Il me répète de prendre la photo, donc je le fais, et bien sûr il était flou. Le seul moyen de prévisualiser, à l’époque, c’était de prendre un Polaroïd, ce que je fais, je lui montre et il me dit : ‘Oh, c’est très bien, prends-en encore quelques-unes comme celle-là.’ Je prends six photos dans la même ambiance et il me sort : ‘Super, c’est la pochette.’ Je rigole, je crois qu’il s’agit d’une blague ! Puis je vais développer mes pellicules. Généralement, ce qu’on faisait, c’est que je lui envoyais les planchescontacts et il mettait une croix sur ses préférées. Et ça n’a pas loupé, à côté de la photo où il était flou, il a écrit ‘couverture’. J’apporte les tirages chez Warner, car pendant la session photo, il n’y avait que Prince, son staff et moi, mais aucun directeur artistique ni personne du label, et je leur montre la photo en indiquant que c’était le souhait de Prince. Ils ont rigolé mais voilà, le résultat est là”. Pour le coffret gargantuesque, c’est une autre photo qui orne le recto : Prince en fantôme transparent avec sa guitare. “Prince n’aime pas attendre, il travaille à toute vitesse mais moi je devais régler des éclairages complexes et j’avais besoin de temps pour ça. J’étais en train de finir l’installation et il débarque en me disant qu’il est prêt. Je le place devant le décor et je le préviens que la durée de l’exposition est de seize secondes, qu’il ne doit pas bouger. Il est parti après huit secondes, d’où cet effet spectral où il est à la fois présent et absent. C’était un heureux accident qui a donné naissance à cette photo unique que j’adore, et qui est désormais la couverture officielle de la réédition”.
Je me suis garé et j’ai pleuré
Levi Seacer Jr a joué avec Sheila E avant de rejoindre l’écurie princière comme bassiste et guitariste pendant sept ans. “Prince venait souvent assister à nos concerts et nos répétitions, il nous donnait des conseils et on a appris à se connaître. On a travaillé en 1985/ 1986 sur le projet The Flesh (groupe préfigurant Madhouse incluant Levi, Prince, Eric Leeds, Wendy & Lisa) pour lequel on a dû faire une vingtaine de titres. C’était du Madhouse sous stéroïdes !” Levi débarque à Paisley Park quand “SOTT” se termine. “Quand j’ai intégré le groupe, j’ai surtout