Ben Harper

“Winter Is For Lovers”

Ben Harper n’a jamais rien eu d’un punk, et pourtant… Publier, en 2020, un disque instrumental entièrement joué à la guitare lap steel (du genre qu’on pose sur les genoux et dont on presse les cordes avec un bottleneck), c’est faire preuve d’une belle arrogance. Evidemment, là n’est pas le propos de Ben Harper qui, lui, suit son petit bonhomme de carrière (en vendant des paquets de disques et en remplissant des salles de bonne jauge) et a décidé, à l’heure où enregistrer, ensemble dans la même pièce, est devenu périlleux, de sacrifier à un exercice solitaire dont seuls les grands sortent... grandis. Avec ces quinze titres, dont les noms se rapportent à des lieux (des villes pour l’essentiel) qu’il connaît bien et où il aime passer du temps, Ben Harper propose de respirer un peu. Dans un monde qui va trop vite et dans lequel la surenchère est devenue la norme, la beauté sans fard de “Joshua Tree” et “Islip”, la gravité pure de “Harlem”, la candeur émouvante de “Paris” et l’allant naturel de “London” sont comme des bulles de savon soufflées par un ménestrel sensible et inspiré, dans lesquelles on rêve de se réfugier. A ceux qui ne croient pas aux bonnes étoiles de naissance, on rappellera que la vocation est venue à Harper lorsqu’il traînait, enfant, dans le magasin de musique de ses grands-parents, dans lequel il a vu défiler les plus grands dompteurs de cordes tendues sur des manches. De passage à Claremont (comté de Los Angeles), certains de ces illustres artistes lui ont prodigué de précieux conseils qui sont devenus sa ligne de conduite musicale. Ben Harper qui, seul ou en bonne compagnie, a déjà une quinzaine d’albums dans sa poche, considère celui-là comme le sommet de sa carrière. Il y a fort à parier que les plus respectables des amateurs de sa musique vont se ranger à son avis. ✪✪✪✪ JéRôME SOLIGNY