Pascal Comelade

“Le Cut-Up Populaire”

Le titre résume bien l’oeuvre de Pascal Comelade, et cet album en particulier. Le “Cut-Up”, c’est la technique mise au point par William Burroughs pour écrire une poésie déjantée et faussement aléatoire, un art proche de l’avant-garde et de l’underground, comme celui dont vient — en partie — Comelade. “Populaire”, parce que sa musique puise dans le rock garage sixties ou dans les musiques de film d’Ennio Morricone ou de Nino Rota — entre autres. Il parle aussi de “grand trémolo métaphysique”. Comelade possède effectivement cet humour intello barré qui fait que les noms de ses morceaux sont tous géniaux. Ce nouvel album, le premier sous son nom depuis 2013, et sur lequel il travaillait depuis quatre ans, est impressionnant par sa variété et sa richesse. Vingt-huit titres ! Un étourdissant tour d’horizon de tous les styles qu’il aborde et de tous artistes avec lesquels il collabore. On retrouve évidemment les Limiñanas (sur “Don’t Touch My Blue Oyster Shoes”) ou ses acolytes du défunt Bel Canto Orquestra, mais aussi le mythique Richard Pinhas, sur “Despintura Fonica”, qui déploie ses fameuses guitares saturées en spirale sur un beat hypnotique que n’aurait pas renié Neu!. Ailleurs, sur “Sardana Dels Desemparats”, accompagné de la Cobla Sant Jordi, il livre une délicate partie de piano. C’est tout Comelade : passer d’un accord unique violemment martelé sur “96 Tears” à une pièce évoquant Erik Satie, dans un style inimitable.

Cet album est à son image, mêlant rock, musique répétitive ou classique du vingtième siècle et tant d’autres choses, avec une rigueur absolue dans la folie la plus extrême. Une oeuvre majeure dans la discographie de ce grand maître de l’inouï que le monde entier nous envie. A juste titre. ✪✪✪✪