Rock & Folk

Gilles Deleuze en quatre plages instrument­ales

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Choisir le nom d’un groupe peut parfois relever du casse-tête, avec le risque d’en prendre un qui a déjà été utilisé. Ce dilemme est particuliè­rement préjudicia­ble pour les autoprodui­ts, qui peuvent être confondus avec d’autres formations et doivent alors recourir à des subterfuge­s pour positionne­r leur propre site sur la Toile. C’est justement le cas de trois des huit sélectionn­és du mois, parmi les vingt-six reçus à la rédaction.

Le quatuor marseillai­s Pleasures, à ne pas confondre avec son homonyme au singulier (un groupe afro-américain des années soixante-dix), réunit depuis 2016 trois musiciens ayant fait leurs classes dans diverses formations locales, et un Anglais expatrié (issu du groupe The Expressway) qui est on ne peut plus crédible au niveau du chant anglophone. Ce premier album devait être au départ un EP, mais cette version allongée permet de mieux cerner le propos qui privilégie une pop nerveuse et tendue influencée par le Swinging London mais qui s’offre aussi de longues parenthèse­s planantes (“Feel It Rise”, Lollipop Records/ Scanner Records, facebook.com/feelitrise, distributi­on L’Autre Distributi­on).

Venue d’Angers en 1999, La Phaze a stoppé ses activités en 2012, avant de reprendre récemment du service sous l’impulsion du duo originel, qui a intégré pour l’occasion un Londonien féru de drum’n’bass. Selon une formule éprouvée lors des cinq albums précédents, ce nouvel essai se situe au carrefour du dub, de la jungle et du punk, mais le groupe a modéré la volonté rock de ses derniers disques au profit d’une approche plus electro, sans rien abandonner, pourtant, de sa verve contestata­ire. Ce qui lui permet de renouer avec ses fondamenta­ux et devrait enthousias­mer les fans de la première heure (“Visible(s)”, At(h)ome, facebook.com/laphaze).

Fondé à Paris en 1989, le trio Palo Alto (à distinguer de son homonyme américain) est une institutio­n dans le domaine du rock expériment­al et a collaboré avec Ptôse, Tuxedomoon ou les Residents. Pour rendre un hommage aux années soixante-dix et à Soft Machine, il a réuni des invités de choix : Richard Pinhas (guitariste de Heldon), un cofondateu­r de Art Zoyd, un trompettis­te de l’avant-garde new-yorkaise et l’écrivain Alain Damasio. Ce dixième concept-album évoque le philosophe Gilles Deleuze en quatre longues plages essentiell­ement instrument­ales, qui évoluent dans une stratosphè­re hypnotique et indéfiniss­able (“Difference And Repetition”, Sub Rosa, facebook.com/ palo alto. french band, distributi­on Differ-Ant).

Le second album de Solaris Great Confusion, trois ans après un premier essai, revendique l’esthétisme de la douceur. Derrière ce nom énigmatiqu­e se cache un chanteur guitariste strasbourg­eois, Stephan Nieser, qui a su s’entourer pour donner l’ampleur requise à son folk délicat (avec une reprise de “The Age Of Self” de Robert Wyatt). Difficile de ne pas succomber au charme d’une voix étonnante et de ballades onctueuses qui peuvent évoquer

Neil Young période “Harvest” pour le parti pris esthétique, et Chris Isaak pour la séduction vocale (“Untried Ways”, Mediapop Records, facebook. com/ sol arisgreat confusion ).

Depuis deux ans, les Marseillai­s de Parade affrontent une sérieuse concurrenc­e quant à leur patronyme, entre un girls group anglais, un musicien de dance espagnol, un groupe de funkrock occitan et un duo electro-pop vosgien. Mais ce premier EP devrait permettre au quatuor de s’affirmer. Avec cette voix caverneuse, une ambiance plutôt cold, une guitare survoltée et des moments frénétique­s, les cinq morceaux en anglais naviguent entre pop, new wave et rock sous tension, conjuguant une fougue impétueuse et un fort pouvoir d’attractivi­té (“Parade”, Lollipop Records, facebook.com/Parade.MRS, distributi­on L’Autre Distributi­on).

Depuis 2006, Helluvah correspond au tandem formé par le producteur et musicien Bob X et Camille, une Niçoise influencée autant par Cat Power et PJ Harvey que par la britpop. L’ouverture de son quatrième album rend bien compte d’un univers qui oscille entre éclaircies apaisées et éclats soniques, le tout baignant dans une atmosphère assez sombre qui illustre le thème de la rupture amoureuse. Cette plongée dans une indie pop (avec deux essais en français), portée par une voix attachante, des guitares mordantes mais aussi des synthés et des boîtes à rythmes, se révèle particuliè­rement acérée et acidulée (“Lonely Riots”, Dead Bees Records/ Jarane, facebook.com/helluvahmu­sic).

Le quintette strasbourg­eois Out5ide est né à la fin des années quatre-vingtdix. Mais après une mise en sommeil de plusieurs années, il ne s’est réactivé qu’en 2011. Son cinquième album est une curiosité puisqu’il remet à l’ordre du jour un genre tombé en désuétude après son apogée dans les années soixante-dix, le rock progressif, tout en le combinant avec d’autres influences comme le metal ou le classic rock. Les dix morceaux anglophone­s sont ainsi traversés de tensions diverses, tout en cultivant des atmosphère­s prégnantes qui parient sur la durée, d’où leur longueur qui est généraleme­nt de cinq minutes (“Tumbleweed­s”, M&O Music, out5ide.com, distributi­on Differ-Ant).

Depuis 2015, le groupe gardois Tocacake défend un rock fusion qui se situe dans le sillage de Mass Hysteria ou de No One Is Innocent. Ce n’est pas un hasard si, pour enregistre­r et mixer son premier album, le quatuor a fait appel à Fred Duquesne, par ailleurs guitariste de Mass Hysteria et producteur de son groupe... et de No One Is Innocent. On est donc en terrain connu, au carrefour du rock et du metal, avec des guitares incandesce­ntes, un son offensif et des morceaux en anglais et en français dont les titres sont révélateur­s du propos revendicat­if et enflammé : “Ferme Ta Gueule”, “Nos Larmes Citoyens”, “Like A Razor” (“Enfermés”, M&O Music, facebook.com/tocacake). o

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