Rock & Folk

BUSTER BROWN

Le hurleur Angry Anderson et le cogneur Phil rudd

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CRUELLEMEN­T OUBLIE, Buster Brown a pourtant eu une influence décisive sur l’histoire de notre musique, puisqu’il a abrité en ses rangs le hurleur Angry Anderson, futur fondateur de Rose Tattoo, et le cogneur Phil Rudd, historique membre d’AC/DC. Ce sympathiqu­e sextette aurait pu, avec un peu de chance, devenir un équivalent des Faces aux Antipodes. Bien entendu, il n’en fut rien...

Retour à Melbourne, été 1973. Les clubs fourmillen­t alors de promesses rock’n’roll, parmi lesquelles se trouvent Coloured Balls, Chain ou encore Billy Thorpe And The Aztecs. Tirant son patronyme d’une bande dessinée des années vingt, Buster Brown se forme autour de Gary “Angry” Anderson. Petit bonhomme au crâne dégarni et aux dents cassées, doté d’une grande gueule qui lui a valu d’être qualifié de “fourmi colérique”, il a longtemps trimé, enchaînant les petits boulots. Guitariste de blues sans réel talent, Gary trouve son salut au micro. Il apprend le métier au sein de Peace Power

And Purity, un ensemble psychédéli­que, avant de claquer la porte, mû par un désir de sons plus violents. Anderson rameute deux guitariste­s John Moon et Paul Grant, Chris Wilson aux claviers, le bassiste Ian Ryan et un jeune batteur, longue tignasse et visage impassible, nommé Phil Rudd. Un an plus tard, Buster Brown a déjà partagé la scène avec les meilleures formations des Antipodes, dont AC/DC et Geordie. Le sextette peut s’appuyer sur deux bretteurs aux styles complément­aires : John Moon est un admirateur de Ritchie Blackmore, quand à Phil, il adore évidemment John Bonham. Au répertoire des débuts figurent des reprises de Jo Jo Gunne, Free ou Faces. Avec son boogie rêche mais entraînant, le gang vivant en communauté s’attire les bonnes grâces des cols-bleus et des sharpies, sorte de mix local des mods et des skinheads britanniqu­es. Nos chevelus deviennent les “héros des masses laborieuse­s”. Un ami leur crayonne une mascotte représenta­nt un type en salopette, sourire narquois et mains dans les poches. Cette trajectoir­e ascensionn­elle est couronnée par un triomphe au fameux festival de Sunbury en 1974 (deux titres immortalis­ent leur passage dans la compilatio­n dédiée), qui est aussi marqué par la première apparition de Queen en Australie. C’est à cette occasion que le groupe est repéré par Michael Gudinski, le gourou du label Mushroom, qui compte alors dans ses rangs les Skyhooks ou Chain. Buster Brown grave son premier simple sous la direction de Lobby Loyde (Coloured Balls) : “Buster Brown”, couplé avec “Rock And Roll Lady”, qu’il promeut par des prestation­s télévisuel­les. L’enregistre­ment d’un premier opus avec ce même Loyde est prévu, mais au dernier moment, Mushroom réduit le temps prévu aux studios TCS de moitié. Michael Gudinski concentre en effet ses efforts sur les Skyhooks, négligeant ses autres poulains. Loyde, frustré, claque la porte, laissant l’ingénieur du son John French terminer le travail. Résultat : un son simple, un peu bâclé, qu’Anderson estime ne pas être à la hauteur d’une réputation scénique faramineus­e. “Something To Say” n’est pas spécialeme­nt soutenu par Mushroom, et trouve vite le chemin des bacs à soldes. Pourtant, dès “Rock And Roll Lady”, on sent qu’on a affaire à une formation éminemment sympathiqu­e. Tout est en place sur ce boogie détendu : le gosier d’airain d’Anderson, deux guitariste­s batailleur­s soutenus par un orgue discret, et une section rythmique métronomiq­ue. Chris Wilson se met ensuite en valeur, martelant frénétique­ment son piano sur “Let Me In”. “Buster Brown”, qui démarre sur un riff sournois avant de virer rock’n’roll fifties survolté, est totalement jouissive, tout comme la débonnaire reprise de “Roll Over Beethoven”. L’opus s’achève sur l’euphorisan­te chansontit­re, qui rappelle énormément les Faces. Malheureus­ement, les fans du groupe n’ont pas été mis au courant de la sortie de “Something To Say”, album pourtant prisé dans les pages du magazine Rolling Stone américain. C’est le moment que choisit AC/DC pour proposer un poste à Phil Rudd, qu’il accepte bien évidemment sans tergiverse­r. Tony Lunt, ex-Carson, le remplace. Cette première défection agit comme un signal : la débandade est proche. Celle-ci se matérialis­e par un loupé terrible au festival de Sunbury en 1975 : lorsqu’ils se pointent pour monter sur scène, les technicien­s ont saccagé le matériel — ils ont appris qu’ils ne seraient pas payés car Deep Purple s’est tiré avec la quasi-totalité des recettes — et le public est reparti. Malgré un ultime passage sur ABC TV, la fin se précise avec les départs de Lunt, puis de Moon et Grant. Angry Anderson tente d’assembler une nouvelle mouture (avec notamment Geordie Leach et Dallas Royall, futurs Rose Tattoo), qu’il dissout finalement en novembre 1975. L’année suivante, il fonde l’emblématiq­ue Rose Tattoo en compagnie de l’ex-Buffalo, Peter Wells et d’anciens membres tardifs de Buster Brown, avec le succès que l’on sait.

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