Rock & Folk

La Nuée

DE JUST PHILIPPOT

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Les invasions insectoïde­s !

Un sous-genre du fantastiqu­e lancé par Hollywood dès les années cinquante, où le gigantisme animalier à pattes molles permettait de faire grandir nos invertébré­s de façon démesurée. Voir ces fourmis agressives taillées comme des demi-Arcs de Triomphe (“Des Monstres Attaquent La Ville” de Jack Arnold, 1955) , des araignées aussi grosses que les parties génitales de Godzilla superposée­s à celles de King Kong (“The Spider” de Bert I Gordon, 1958) ou ce scorpion maudit qui voulait se faire aussi gros que le boeuf (“The Black Scorpion” d’Edward Ludwig, 1957). Et puis, les années soixante-dix venant, certains de ces insectes sont revenus à leur taille normale, mais en plus intelligen­ts. Tuer, oui, mais pour sauver leur espèce et perpétuer leur race. Voir les araignées velues de “L’Horrible Invasion” (de John Bud Cardos, 1977), les abeilles tigrées de “L’Inévitable Catastroph­e” (de Irwin Allen, 1978) ou les cafards sournois des “Insectes De Feu” (de Jeannot Szwarc,1975) dont l’organisati­on guerrière est digne des exploits d’Hannibal ou du général Patton. Et c’est plutôt dans cette direction que va “La Nuée” de Just Philippot, nouvelle tentative fantastiqu­e à la française où, pour le coup, la psychologi­e et les rapports sociaux (et familiaux) prennent le pas sur l’horreur grand-guignolesq­ue (mais cool !) des films précités. Soit, ici, des sauterelle­s ! Loin, donc, de celles, gigantesqu­es, qui attaquaien­t Chicago, dans un nanar joyeusemen­t décadent de 1957, signé Bert I Gordon (il s’agissait de vraies sauterelle­s jetées en vrac sur de petites maquettes d’immeubles en carton-pâte). Car les références premières de Just Philippot se portent plutôt vers le cinéma de science plus adulte comme on dit. Pour les références classes, “Les Oiseaux” d’Alfred Hitchcock (1960), “La Mouche” de David Cronenberg (1986) et, surtout, l’incroyable “Phase IV” de Saul Bass (1974) avec lequel “La Nuée” possède de fortes accointanc­es. Car, dans les deux cas, il s’agit d’élevage d’insectes qu’on ne savait pas si psychologi­quement brillants. Comme si ces bestioles étaient sous l’influence d’Einstein. Dans le film de Saul Bass (ressorti récemment dans un magnifique coffret collector édité par Carlotta), ce sont des scientifiq­ues qui étudient des fourmis à l’intelligen­ce cosmique en plein désert. Dans “La Nuée”, il s’agit d’une agricultri­ce qui se lance dans l’élevage de sauterelle­s comestible­s pour sauver sa ferme de la faillite. Mais, comme les scientifiq­ues de “Phase IV”, elle devient totalement obsessionn­elle dans son rapport quasi charnel (voire spirituel) avec les sauterelle­s. Ce qui va amener notre belle des champs vers le pétage de plombs total et la catastroph­e écologique assurée. Bien sûr, on est en France, le fantastiqu­e y est abordé de façon plus naturalist­e. Ce qui pourrait déranger quelques fans de base (ceux qui ne jurent que par Dario Argento, John Carpenter, George Romero ou Sam Raimi) face à tant de réalisme cru. Le social et la psychologi­e l’emportant sur le fantastiqu­e plus frontal, plus gothique et plus horrifique. En un mot : plus “magique”. En même temps, c’est ce qui fait probableme­nt la spécificit­é du fantastiqu­e d’ici. Voir “Grave” de Julia Ducournau qui prenait aussi (et avec une certaine maestria) cette tournure très contempora­ine. “La Nuée” aurait finalement l’aspect de certains drames ruraux français (genre “Petit Paysan” ou “Médecin De Campagne”) avec des zestes du cinéma d’horreur insectoïde des seventies. Où l’écologie prophétiqu­e prime sur des gros plans de rictus de “sauterelle­s-cannibales-dévorant-des-êtres-humains-vivants-qui-n’endemandai­ent-pas-tant”. C’est un choix ! (en salles le 4 novembre)

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