Rock & Folk

Ratched

Le passé houleux de l’infirmière psychopath­e de “Vol Au-Dessus D’Un Nid De Coucou”

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Après l’excellent “Hollywood”,

le plus atypique des show runners est déjà de retour avec une nouvelle mini-série démente. Producteur, scénariste, concepteur et réalisateu­r (sur certains épisodes) de séries barrées (“Glee”, “American Horror Story”, “Feud”), Ryan Murphy revient ici sur le passé houleux de l’infirmière psychopath­e de “Vol Au-Dessus D’Un Nid De Coucou”, le chef-d’oeuvre que Milos Forman tourna en 1975. Rôle qui valut un Oscar à son interprète (Louise Fletcher), et qui vaudra très probableme­nt un Emmy Award à l’incroyable Sarah Paulson, l’actrice fétiche de Ryan Murphy qui lui avait offert le double rôle hallucinan­t de soeurs siamoises dans la quatrième saison d’ “American Horror Story”. Sarah Paulson réincarne donc Mildred Ratched. Une infirmière qui, après avoir officié sur le front durant la guerre, tente de trouver un job dans un hôpital psychiatri­que tenu par un docteur cinglé soignant ses patients par des lobotomies douteuses. Sauf que miss Ratched a un but. Faire sortir son demi-frère interné dans le lieu depuis qu’il a assassiné un groupe de prêtres. Ça, c’est pour le pitch, Ryan Murphy ayant quelques idées derrière la tête ! D’abord faire de “Ratched” un hymne romantique (et un brin pervers) aux rapports lesbiens. Tout comme il avait transformé “Hollywood” en une saga gay à l’esprit utopiste. Car Ryan Murphy égrène avec élégance son engagement homosexuel dans ses séries, tout comme Pedro Amoldovar dans ses films. Idem pour son actrice Sarah Paulson qui, tout récemment, a brisé le tabou de son saphisme en avouant aux médias son amour pour sa compagne Holland Taylor, actrice de soixante-dix-sept ans, aperçue il y a déjà pas mal de temps dans “Fame” et “A La Poursuite Du Diamant Vert”. Ryan Murphy, cinéphile invétéré, rend ici une suite d’hommages totalement fétichiste­s aux films des

années quarante et cinquante. Que ce soit à travers des costumes et décors somptueux, dignes des grands mélos de Douglas Sirk, des couleurs aussi éclatantes que celles des comédies musicales de la MGM, voire de la musique, puisque “Ratched” réutilise carrément les partitions inquiétant­es que Bernard Hermann composa pour “Vertigo” et “Psychose” d’Alfred Hitchcock. Hitchcock étant par ailleurs la référence principale de “Ratched” au travers de quelques séquences filmées littéralem­ent “à la manière de”. Murphy rend aussi d’autres hommages frontaux (et sublimemen­t esthétisan­ts) à des films à la puissance érotique certaine comme “Le Banni” d’Howard Hugues (qui, en 1941, mettait en avant le décolleté de Jane Russell), et le western romantique “Duel Au Soleil” de King Vidor, où le couple d’amants Jennifer Jones/ Gregory Peck croulait sous les balles, dix ans avant le “Bonnie And Clyde” d’Arthur Penn. Une séquence reproduite au détour d’un épisode de “Ratched”, qui slalome ainsi à travers les

genres, en passant du gore grand-guignolesq­ue, au mélodrame lyrique sans oublier l’hommage en biais à l’âge d’or du cinéma d’épouvante des années trente : le directeur de l’hôpital psychiatri­que n’est-il pas au fond un ersatz du docteur Frankenste­in ? Assumant, jusqu’au bord de l’ironie, une galerie de personnage­s totalement vils et cintrés, “Ratched” fonctionne à la façon d’un film de Quentin Tarantino. Le réalisateu­r de “Pulp Fiction” déterrait des seconds couteaux et des stars tombées en désuétude, Ryan Murphy faisant de même avec des actrices sexagénair­es. Dont Sharon Stone, Amanda Plummer et Rosanna Arquette dans des seconds rôles bien plus marquants que leurs dix derniers films. Bourré de coups bas et de vengeances, de passé tordu et d’amour sulfureux, de psychopath­ie et d’injustice, de jalousie maladive et de meurtres vicelards, “Ratched” est la série la plus jouissive du moment (en diffusion sur Netflix).

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