Rock & Folk

THE JADED HEARTS CLUB

- Eric Delsart

Le guitariste de Blur qui joue des chansons de Shocking Blue et Marvin Gaye avec le chanteur de Muse à la basse, celui de Jet et Miles Kane au chant, le tout accompagné par le batteur des Zutons ? Cette année 2020 qui n’en finit plus de nous étonner nous apporte le supergroup­e le plus improbable qui soit.

À PREMIÈRE VUE, LE LINE-UP DE THE JADED HEARTS CLUB A DE QUOI PROVOQUER L’INCREDULIT­É. On y trouve donc Matthew Bellamy (Muse), Sean Payne (Zutons), le screamer Nic Cester (Jet), l’élégant Miles Kane (The Rascals) et Graham Coxon (Blur). Des musiciens qu’on n’imaginait pas forcément partager la même scène et qui viennent de publier un premier album empli de reprises garage et R’n’B dans un joyeux esprit de camaraderi­e rock’n’roll. Il fallait tirer tout cela au clair, alors on a appelé Graham Coxon qui nous a éclairés sur les tenants et les aboutissan­ts de l’affaire.

Un étrange aréopage

Le dénominate­ur commun des membres de The Jaded Hearts Club s’appelle Jamie Davis. Ancien patron du label Transcopic (créé avec Coxon quand le guitariste de Blur avait décidé de s’émanciper) au carnet d’adresses bien fourni, il cherchait une idée originale pour célébrer son quarantièm­e anniversai­re en 2018. Les tribute bands des Beatles étant hors de prix, Davis a alors proposé à plusieurs de ses amis du métier de devenir ce groupe de reprises. C’est ainsi qu’un étrange aréopage a animé la soirée en chantant des chansons des Fab Four sous le nom malicieux de Dr Peppers Jaded Hearts Club Band. Et puis les choses ont pris un tournant étrange, car la vie du groupe ne s’est pas arrêtée à cet événement. Devenu Jaded Hearts Club, le groupe a commencé à accumuler les dates et à stabiliser son line-up pour celui qu’on connaît aujourd’hui (d’autres membres de Muse et Jet, et même Ilan Rubin de Nine Inch Nails ont furtivemen­t participé au groupe). “Je ne connaissai­s aucun des autres membres”, avoue Graham Coxon. “Je suis un vieil ami de Jamie, qui m’a présenté aux autres. Bien sûr, j’en avais déjà croisé quelques-uns dans des festivals, mais je ne suis pas une personne très sociable de manière générale. J’ai fait mon premier show avec le groupe au Royal Albert Hall pour l’organisati­on caritative du Teenage Cancer Trust. On s’est bien amusé et ça m’a donné envie d’en faire plus. On a commencé à jouer du MC5, des Who, Cream, à s’ouvrir sur tout le rock des années soixante.”

Abondance de stars nuit-elle ?

Dans ce groupe, qui contient quelques guitariste­s surdoués et des ego de rock stars, c’est le timide binoclard qui mène la barque à la six-cordes. “Je joue toutes les parties lead, tandis que Jamie joue la guitare rythmique. Matt voulait vraiment ne jouer que la basse et il est heureux de le faire”. S’il est en retrait des cinq autres du fait de son anonymat, c’est bien Jamie Davis qui, après l’avoir instigué, mène le projet en compagnie de Matthew Bellamy.

Les deux compères sont ceux qui choisissen­t en majorité le répertoire à la couleur très soul (avec des reprises de Chris Clark et Isley Brothers) et garage (l’album contient quelques classiques “Nuggets” comme “Nobody But Me” des Human Beinz et “Have Love Will Travel” des Sonics) du groupe et en assurent la bonne marche. Davis gère le management, Bellamy la production, le leader de Muse ayant même enregistré l’album dans son studio de Los Angeles. Ceci explique sans doute l’approche sonique choisie, bien loin du revivalism­e ou de la quête du son vintage. “You’ve Always Been Here” est un album au son lourd, moderne, qui a de quoi faire frémir les puristes à chemise Paisley. “On utilise tout de même de la wah-wah, des pédales fuzz, ces trucs qui sonnaient futuristes dans les années cinquante et soixante, concède Coxon, mais je pense qu’aujourd’hui, avec les techniques modernes d’enregistre­ment, on peut accéder à une palette plus large de fréquences et profiter d’une basse grasse et fuzzy. On a tout enregistré

et arrangé de façon à créer un très gros son. On a arrangé les morceaux de sorte que chacun ait son espace, que chacun puisse être entendu”. Ceci explique donc cela. Abondance de stars nuit-elle ? “Tout le monde s’amuse, il n’y a pas de bataille d’ego. Je pense que ce genre de choses arrive quand vous travaillez sur votre propre musique, ici il n’est question que de plaisir, se défend Coxon. Lors du premier show avec la version actuelle du groupe, nous avons su que nous avions trouvé les bonnes personnes et que tout le monde allait bien avec tout le monde. On a trouvé la bonne combinaiso­n.” C’est la foi en cette bande de musiciens qui a poussé le groupe à passer la vitesse supérieure. Singles, albums et — à l’origine — tournées ont ainsi été mis en route, démontrant le sérieux de l’affaire. Alors, supergroup­e ? Side-project ? Projet de potes ? The Jaded Hearts Club est un peu tout cela à la fois et n’attend désormais plus qu’une chose : remonter sur scène, le lieu où ce groupe fait le plus sens. “Ce répertoire est vraiment la musique idéale à jouer en festival, conclut Coxon. Je pense que le public appréciera.” ★

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