Rock & Folk

D’élégance et de rock’n’roll

- VINCENT TANNIèRES

“Traité De La Vie Elégante”, Honoré de Balzac, 1830. A propos de l’artiste :

“Son oisiveté est un travail, et son travail un repos ; il est élégant et négligé tour à tour... il ne subit pas de lois : il les impose. Qu’il s’occupe à ne rien faire, ou médite un chefd’oeuvre, sans paraître occupé... qu’il n’ait pas vingt-cinq centimes à lui, ou jette de l’or à pleines mains, il est toujours l’expression d’une grande pensée et domine la société.”

Ecrivait-il par prescience sur le rock, l’Honoré ? Certaineme­nt pas, bien sûr, impossible cent vingt ans plus tôt. Il écrivait sur l’artiste. Il en définissai­t le rôle, l’attitude, son importance éternelle. Le rocker viendra après mais suivra, consciemme­nt ou pas, cette définition, ces mêmes préceptes d’indomptabi­lité, de liberté et d’indépendan­ce. D’élégance aussi.

Imposant cela. Par la musique, la force, le talent ou l’apparence.

“Il est élégant et négligé tour à tour... il ne subit pas de lois : il les impose. ”

Il était question d’élégance pop le mois dernier avec The Divine Comedy. Dans ce numéro, avec AC/DC, il est plutôt question de T-shirt manches repassées. Légèrement décolorés. Au début, non, certes. On a rarement vu Bon

Scott en T-shirt, ou alors sans manches. Plutôt torse poil.

Et puis Motörhead...

Ces desperados à visage découvert. Sans masque ni foulards. Ou alors pour détrousser le rocker. Ultra lookés. Cuir et bottes. Blanches pour Lemmy. Allez leur expliquer que les vêtements ne sont pas des éléments fondamenta­ux du truc ! Dès le début. Ceinturon à douilles, chevalière et gourmette à gros maillons. Totenkopf avant les autres. Par défi. “Et ma botte dans ta gueule”, un peu. Elégance pop le mois dernier contre brutalité rock’n’roll ce mois-ci ? Trop simple.

Diable et tête de mort pour les uns. Costume en cachemire et cravate tricot pour les autres. Excès contre quinoa tant qu’on y est. Deux visions. Deux manières de vivre, pourquoi pas. Pas davantage. Deux façons de voir le monde. Le rock ou la pop, comme on voudra. Mais par la musique.

Font-ils l’amour dans des remugles de bière et de speed ou dans les effluves enivrants de gardénia ?

Jam était-il moins dangereux dans ses costumes que les Sex Pistols dans leurs hardes rock déchirées de couturier ? Pas gagné.

Les mods moins mauvais que les skinheads ? Allez leur dire ! L’esthétisme opposé à la laideur ?

Le bien au mal tant qu’on y est, hein.

L’élégant foulard nonchalamm­ent noué opposé au Perfecto élimé ? Cheveux courts ou longs. Idées courtes ou pas.

Si les êtres humains avaient toléré la différence plutôt que l’uniformité, ou défié la vie par les excès, le monde serait plus excitant.

Mais tous ces gars sont rock, comme on dit. A leur manière. Différente. Mais pour toujours. Pour leur camp. Leur domination sur la société. La changer coûte que coûte. La troubler au moins. La faire penser. Par la musique. En costume ou en cuir.

Pour finir, et ça n’a rien à voir — même s’il est ici question aussi de trajectoir­e, de choix de vie —, Jimi Hendrix, Jerry Garcia, Lou Reed, Brian Jones, Anita Pallenberg auraient l’âge du nouveau Président américain Joseph Robinette Biden Jr s’ils avaient vécu. Yves Mourousi également, Aretha Franklin aussi. Il est l’aîné d’un an de Mick Jagger et de Keith Richards. Paul McCartney est plus vieux de quelques mois. Un signe ? Non.

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