Fuzz
Alors, bien sûr, ça part dans tous les sens mais c’est réjouissant. Matthew McCaughan, le batteur, ouvre le bal avec une version du “Reservations” de Wilco encore plus lente, longue et hantée que l’originale. Et sans batterie ! Parce que, de prime abord, six titres, ça peut sembler court pour un album, mais celui-ci fait déjà treize minutes... Derrière, ça enchaîne avec de la country (George Jones), de la soul (Stevie Wonder ! The Supremes !), du proto-punk seventies de Cleveland (l’excellent “Shirley” des inconnus géniaux de Mirrors). Et le tout se termine en beauté sur un inédit de James McNew (ex-Yo La Tengo, groupe responsable en son temps d’un album modèle du genre, “Fakebook”) choisi par Wagner. A l’arrivée, un disque pas forcément indispensable — ils sont rares — mais agréable et surprenant. A l’image de Lambchop, groupe plus important que la sempiternelle et obsolète étiquette alt-country ne pourrait le laisser croire. ✪✪✪
“III”
Quelles sont les dernières nouvelles de Ty Segall ? L’année a été plutôt calme par rapport aux standards habituels de notre chérubin préféré.
Il y eut d’abord une collaboration plutôt décevante avec Brian Chippendale sous le sobriquet de Wasted Shirt, projet post-punk anguleux, bruitiste et lo-fi. Puis Ty a profité de son confinement pour graver un réjouissant EP de reprises d’Harry Nilsson (“Segall Smeagol”). Si l’on attendait un successeur à l’excellent “First Taste”, c’est finalement à la tête de son power trio Fuzz que le blondinet revient, martelant toujours tel un Bill Ward possédé en compagnie de Charles Moothart aux six-cordes massives et de Chad Ubovich à la basse plombée. Fuzz semblait au sommet il y a cinq ans, avec un double album gargantuesque. Comment y succéder ? En recourant aux services de Steve Albini, peut-être ? C’est désormais chose faite, et sa captation brute et naturelle sied à merveille au vigoureux trio. Dès “Returning”, on retrouve ce son écrasant, saturé, porté par les riffs balaises de Moothart et la voix toujours acidulée de Segall. “Nothing People” est emmenée par une ligne de basse épaisse, et traversée par un solo saignant. “Time Collapse” démarre autour d’un motif blues