Drive-By Truckers
également de métamorphoser un vieux morceau des Wailers en ballade deep soul lacrymale (“It Hurts To Be Alone”). Mais la vraie perle de l’album est une reprise de “Little By Little” de Dusty Springfield, supérieure à l’original, déjà immense. Bichat disait que “la vie est l’ensemble des fonctions qui résistent à la mort” Sharon Jones n’est plus là, mais sa musique résiste toujours. ✪✪✪✪ ; un ultime opus. Ce “Power Up” à la production grondante et survitaminée s’éloigne très peu du sillon habituel d’AC/DC. On y retrouve, dès “Realize”, la science habituelle du riff de la fratrie Young, la voix de gargouille de Johnson, les refrains de stades et cette rythmique taillée dans le granit. L’archétypale “Shot In The Dark”, dotée d’un petit solo à la slide, est parfaite. Tout comme “Money Shot”, qui a tout du futur classique scénique, ou “Systems Down”. Autres pistes intéressantes
: la stéroïdée “Witch’s Spell” et sa thématique occulte, les effluves celtiques de “No Man’s Land”, ainsi que l’étonnante “Through The Mists Of Time”, bâtie autour d’une mélodie douce-amère, empreinte de nostalgie. Au total, douze titres qui ne révolutionneront certes pas la plantureuse discographie du mastodonte des Antipodes, mais qui mettront du baume au coeur des fans, en ces temps maussades pour le rock’n’roll.
“The New OK”
Assignés à résidence, comme tout le monde, pour cause de virus, les Drive-By Truckers proposent chacun des prestations depuis leur domicile puis, collectivement, envisagent un EP basé sur des chutes de “The Unraveling”, enregistré à Memphis dans l’ancien studio de Sam Phillips, publié fin janvier 2020. Une fois Patterson Hood, Mike Cooley (chant, guitares), Jay Gonzalez (claviers), Matt Patton (basse), Brad Morgan (batterie) et David Barbe (mixage) lancés, les idées foisonnent et le format court se transforme en album. Election présidentielle, pandémie, émeutes raciales, brutalité policière... Les sujets de préoccupation ne manquent pas pour ce groupe qui depuis toujours affiche des convictions pas franchement de droite. Les bonnes intentions ne faisant pas les bons disques, on se rassure dès les premières mesures de “The New OK”, la chanson-titre. Sur un tempo allègre, les DBT y utilisent des procédés éternels, chant mélodieux, rythmique renforcée par une guitare acoustique, accords en distorsion, basse appuyée, ponctuations de piano... Au fil de sa carrière, aussi classique soit-il, le groupe surprend souvent par ses références, ses collaborations... Et ici, par sa reprise d’une perle signée
Joey Ramone, “The KKK Took My Baby Away” (dans “Pleasant Dreams”, 1981) chanté par Matt Patton. Avec l’arrivée de soufflants au milieu du solaire “Sea Island Lonely” (rare texte apolitique), il met en exergue des racines sudistes qui assurent à sa musique une authenticité réconfortante. Comme le laisse supposer une pochette taguée BLM (Black Lives Matter), les paroles reflètent une société déchirée, une époque où on aura vu, selon les DBT, le fascisme frapper à la porte de l’Amérique et Trump répondre : entrez ! ✪✪✪
JEAN-WILLIAM THOURY