The Belmondos Johnny Hallyday
puis “Bal La Poussière” met au premier plan les choeurs féminins pour une mélopée obsédante. Entre les textes déclamés par son leader Denis Péan et les incantations tribales psalmodiées par les choristes au gré de tourneries souvent africaines, à l’image de l’hypnotique “Transe De papier”, Lo’Jo distille et impose un charme étonnant qui décloisonne les genres et abolit les distances culturelles, conjuguant poésie et groove en une spirale irrésistible. Témoignant de son impact international et de sa faculté à attirer les musiciens les plus divers, deux invités de choix viennent illuminer quelques morceaux de leur participation complice : Tony Allen, batteur historique de Fela, qui, avant son décès, vint conférer une caution afro-beat à un répertoire qui lorgne souvent vers l’Afrique, et Robert Wyatt qui, sortant de sa retraite artistique, lit de sa voix douce l’introduction de “Kiosco”. JJJ
“Memory Lane”
Cette dernière décennie, plusieurs groupes ont rappelé que l’histoire du rock en France pouvait être autre chose qu’une affaire de complexe d’infériorité : en vrac, Hoboken Division, Baston, Aline, Mustang, les Liminañas bien sûr et d’autres qu’on oublie. “Memory Lane” justifiet-il d’ajouter les Belmondos à la liste ? Sans doute, mais l’héritage Nuggets, évoqué ici et là, est quelque peu usurpé, comme souvent ; il faut réécouter les Third Bardo pour réaliser le degré de sauvagerie inouïe de ce qui se faisait alors : on est loin de la pop-rock assez anecdotique de “Get By”. Une autre alternative aurait été de verser dans un extrémisme opposé, celui de la délicatesse, mais la ballade “By Your Side” ne sait pas éviter l’écueil de la joliesse, et c’est lorsqu’ils assument un certain fétichisme que les Belmondos sont le plus convaincants (“Love Is All”, au titre outrageusement beatlessien).
Il est rare, d’ailleurs, d’entendre un groupe revendiquer explicitement un tel modèle : les Beatles sont devenus un peu une référence morte, morte car omniprésente. Les Belmondos tentent, eux, d’en raviver quelque chose, joliment parfois (le refrain de “Hell At Sundown”, très early Beatles,
“Son Rêve Américain”
L’Amérique a (aussi) gagné la guerre (dès les années 1920) sur le plan culturel grâce à la littérature, au cinéma, à la peinture, à la musique et à une flopée de créations irrésistibles, voitures, motos, sodas, gomme à mâcher, etc. Les mômes nés dans les années 1940, fameux boomers, adoptent cette culture avec avidité. Aucun plus que Jean-Philippe Smet (1943-2017) qui se choisit un pseudonyme éloquent pour se consacrer à cet art nouveau, essentiellement américain, le rock. Toute sa vie, il reste fidèle à une sorte d’idéal, une vision nourrie de mythes et légendes, Elvis Presley, James Dean, Eddie Cochran, Marlon Brando, Elia Kazan, etc., jusqu’à enregistrer là-bas, chanter là-bas,
pour la guitare bluegrass et le piano), avec le renfort de quelques invités à la pedal steel, aux cuivres, aux choeurs, et en partageant un duo vocal avec la chanteuse country Caitlin Rose. La première ballade (“Say You Love Me Too”) impressionne d’entrée par son ampleur cool et séduisante, tant au niveau de la voix que de l’orchestration. Et les morceaux suivants enfoncent le clou, évoluant dans un folk teinté d’americana et de pop qui peut prendre des accents jazzy, hawaïens (“Hawaii Morning”), blues-rock (“Mookie Mookie”), country (“Freak Out Til The Morning Dew”) ou bluesy (“LA Blues”) avec une aisance et une fluidité éprouvées, oscillant entre dépouillement guitare-voix très folk de “Birds Of Prey” et orchestrations sophistiquées d’un petit bijou pour crooner (“Heartbroken & Free”) sans jamais se départir d’une élégance en demi-teintes et retenue. JJJJ est un grand slow R&B dont la mélancolie tranche avec la gouaille de l’ensemble, le genre de brèche émotive que BBB n’ouvre pas souvent. Plus de quarante ans de carrière, dixsept albums tous plus stylés les uns que les autres... voyager dans le rock français sans lui, c’est monter dans un carrosse à trois roues. Et le mot
blues n’a pas été prononcé une fois. JJJJ
CHRISTIAN CASONI