Steve Earle & The Dukes
“J.T.”
NEW WEST RECORDS
“J.T.” est peut-être l’album que Steve Earle redoutait de devoir enregistrer un jour : un hommage à son fils. La dépêche est tombée en août 2020
: Justin Townes Earle est mort à trente-huit ans. Le songwriter, qui se débattait avec diverses addictions de longue date, s’est envoyé ad patres avec un cocktail kamikaze (fentanyl et cocaïne). Déjà, à l’occasion de la sortie de “Transcendental Blues”, Steve Earle révélait à Rock&Folk son admiration pour son fils et ses déboires : “Mon fils aîné a dix-huit ans, il a eu une ou deux rencontres avec la drogue […]. On en a discuté et il va mieux maintenant.” Sinistrement synchrone, Justin Townes Earle est parti à l’âge où son père sortait de cure de désintoxication et s’apprêtait à enregistrer le parfait “Train A Comin’ ”. Cet album d’adieu permet de se rappeler qu’il était surtout un auteur à part entière. On pourra regretter l’absence de certains titres (la superbe “If I Was The Devil” par exemple), mais “J.T.” est un excellent aperçu du talent multiple du songwriter, que ce soit “I Don’t Care”, jouée pied au plancher, “Ain’t Glad I’m Leaving”, où les choeurs des Dukes font merveille, le folk décharné de “Lone Pine Hill”, digne des premiers Townes Van Zandt, ou encore le blues incandescent de “The Saint
Of Lost Causes” tiré de son dernier album. Le seul titre original, “Last Words”, voit Earle ruminer son chagrin avec une douceur saisissante. Le “New York Times” révèle que lors de leur dernier échange téléphonique, le père avait dit au fils : “Ne m’oblige pas à t’enterrer.” Celui-ci lui répondait par avance dans “Harlem River Blues”, dont il avait livré une version live grandiose chez Letterman : “Tell My Mama I Love Her, Tell My Father I Tried”. Le sursis s’est épuisé. ✪✪✪✪