Rock & Folk

The Gun Club

“MIAMI”

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Blixa Sounds (Import Gibert Joseph)

Dès les premières mesures de “Carry Home” (“Come down to the willow garden with me”), c’est un choc : “Miami” n’a jamais aussi bien sonné. Le deuxième album du Gun Club est très différent de son prédécesse­ur. La furie punk blues s’est transformé­e en mélancolie rageuse, désespérée. La scène américaine de l’époque connaissai­t une belle ébullition, et d’excellents groupes avaient bourgeonné dès la fin des seventies : X, Blasters, Los Lobos... Mais les inventeurs étaient rares chez ces musiciens qui regardaien­t souvent dans le rétroviseu­r, ou se contentaie­nt de pousser le punk anglais dans ses ultimes retranchem­ents avec le hardcore. Les B-52’s avaient inventé un truc, mais personne ne les a pris au sérieux, ce qui est bien dommage. Les Cramps ont également créé leur propre style — du rockabilly en 16-tours — mais, comme les Ramones, ils ont à peu près toujours sorti le même album. Jeffrey Lee Pierce était d’un autre calibre : chaque nouveau disque du Gun Club est différent du précédent. “Miami” a donc ravi les fans du groupe, qui n’y ont pas vu un décalque de “The Fire Of Love” qui avait lancé la légende. L’album a été produit par Chris Stein, de Blondie (Debbie Harry participe au choeurs), sur son propre label Animal

Records, financé par Chrysalis. On lui a souvent reproché un son malingre et un mix raté. Cette réédition n’a pas bénéficié d’un remix, mais elle sonne mieux que toutes les versions précédente­s, y compris le vinyle d’origine. La voix est toujours trop en avant, mais les guitares sont plus claires, mieux détaillées. Un second CD propose des démos inédites qui ne s’adressent qu’aux fanatiques, la voix de Pierce étant régulièrem­ent doublée, ce qui est assez surprenant, et les guitares plus effacées. Autant donc se concentrer sur l’album en soi. Un chef-d’oeuvre inégalé — si ce n’est par le Gun Club lui-même un peu plus tard — dans lequel JLP trouve enfin cette façon de chanter en tordant les notes, entre yodels dérangés et dérapages contrôlés, à la limite de la justesse. C’est son style, sa grande participat­ion à l’histoire du rock. Enfin, il y a les compositio­ns : une avalanche mortelle. “A Devil In The Woods”, “Texas Serenade”, “Bad Indian”, “Sleeping In Blood City”, “Mother Of Earth”, “Like Calling Up Thunder”, “Carry Home” et un “Watermelon Man” très vaudou. Et enfin, trois reprises transfigur­ées : “John Hardy”, de Leadbelly — seule évocation blues de l’album —, un “Run Through The Jungle” de Creedence Clearwater Revival dans une version poisseuse très flippante, et la tuerie absolue, la version quasi gothique de “Fire Of Love” de Jody Reynolds, qui avait donné son titre au premier album.

Le disque s’achève avec le sombre “Mother Of Earth”, devenu un classique, qui montre clairement dans quel état d’esprit le tourmenté Jeffrey Lee Pierce se trouvait, ce qui allait se confirmer bientôt avec le tout aussi excellent “The Las Vegas Story” deux ans plus tard.

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